Clinique
Il y a pas mal de bons films dans les dernières années de la production de Philippe Faucon, avec par exemple, La désintégration, Fatima, - 3 César en 2016 -, Amin. Cette fois, il nous propose une espèce de reportage de guerre sur les quelques années qui ont marqué la fin de la guerre d’Algérie – ce que l’on appelait officiellement, avec un certain sens de la litote, les « événements d’Algérie -. Fin des années 50, début des années 60, la guerre d’Algérie se prolonge. Salah, Kaddour et d’autres jeunes Algériens sans ressources rejoignent l’armée française, en tant que harkis. Á leur tête, le lieutenant Pascal. L'issue du conflit laisse prévoir l'indépendance prochaine de l'Algérie. Le sort des harkis paraît très incertain. Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité. 82 minutes pour tenir la gageure de raconter le drame des harkis dans un film qui tient du document, sobre, sec et d’une maîtrise parfaite… Un film coup de poing !
Ce film, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2022, nous parle d’un lourd héritage largement occulté par la société française depuis plus de 60 ans. Ici pas de héros, simplement des hommes pris dans un conflit qui les dépasse, et malmené – voire humilié – par des décisions contradictoires jusqu’au scandale venues de loin, « d’en haut », de métropole où l’on reste à mille lieues de la situation réelle vécue sur le terrain. Ce film reste pourtant d’une cruelle actualité car, aujourd’hui, on voit resurgir les discours du repli sur soi et même les mythes d’une France originelle. On en est arrivé à entendre dire que Mohamed n’est pas un prénom français. Ce drame historique nous prouve, s’il en est encore besoin que Mohamed est un prénom depuis très longtemps entré dans l’histoire de France par le sang versé. L’ensemble est réalisé avec la distance d’un reportage qui tente d’expliquer la complexité des problèmes, d’éviter les simplismes, les manichéismes et surtout de faire œuvre de fidélité toutes ces vérités douloureuses pour certains et qui en dérangent beaucoup d’autres. Un film nécessaire, honnête et puissant.
Le casting entièrement masculin joue le jeu de la sobriété et de la justesse historique. Le sujet est trop grave pour tolérer le moindre numéro personnel d’acteurs. Aussi félicitons les Théo Cholbi, Mohamed El Amine Mouffok, Pierre Lottin, Yannick Choirat, Omar Boulakirba, Amine Zorgan, et tous les autres pour leur engagement à faire vivre la vérité de cette spirale de l’horreur. Austère, rigoureux et d’une économie narrative impressionnante.