Il y a des projets qui ne trompent pas et qui savent méchamment provoquer l’impatience : imaginez l'une des histoires les plus effrayantes de la plus grande légende de la Science-Fiction contemporaine (« La Couleur Tombée du Ciel » de Howard Phillips Lovecraft) qui serait réalisé par un cinéaste habitué du genre qui revient au cinéma après une longue absence (Richard Stanley : "Hardware", "Le Souffle du Démon" et "L'Île du Docteur Moreau") et qui aurait en tête d’affiche l’incontournable Nicolas Cage…Y’a pas à dire, "Color Out of Space" faisait baver avant même le début de son tournage, et je ne vous cache pas que j’étais hyper impatient de voir le résultat ! Le film débute sur l’installation d’une charmante petite famille venue se ressourcer à la campagne et sur laquelle nous allons nous attarder : rien de véritablement spécial ou nouveau, nous assistons au cliché banal de la gentille petite famille lambda qui a traversé de rudes épreuves et qui essaye de retrouver leurs liens. Chacun nous est décrit avec ses habitudes, ses petits travers et ses « sombres » secrets. Bref, une banalité presque affligeante jusqu’à l’arrivée de la fameuse météorite : d’abord simple objet de curiosité, la « pierre » va se retrouver au centre du récit dès lors que sa présence commence à infecter l’environnement (
les arbres et les plantes changent de couleurs, l’eau du coin a l’air rouillée, les animaux réagissent anormalement, les fruits deviennent gros mais sont pourris à l'intérieur, les gens se comportent de façon très excentrique
). Et puis un évènement marque le moment où la situation commence à dérailler (faut pas aller trop vite quand on fait la cuisine !), où l’étrangeté devient menace réelle et où le réel justement commence à basculer en cauchemar à la couleur innommable : tout se décompose, l’environnement comme les esprits, la folie semble être la nouvelle norme dont la météorite semble être le catalyseur de leurs « auto-flagellations » habituelles (
le trauma de la mère, l’eczéma du père, les scarifications de la fille, la peur infantile du petit…
) poussées alors à l’extrême. L’indicible si chère à Lovecraft prend alors « forme » et une terreur inconnue submerge tout le monde jusqu’à cet incroyable final psychédélico-apocalyptique ! Mais, si on peut applaudir le fait que le récit respect la nouvelle de Lovecraft malgré sa transposition au monde moderne, c’est surtout la mise en scène et les effets spéciaux du métrage qui sont sa grande force : malgré un budget vraiment serré (à peine 3 millions de dollars !), les FX sont vraiment soignés et Richard Stanley a opéré un judicieux choix pour représenter cette fameuse couleur inconnue de l’œil humain de la nouvelle en choisissant cet espèce de fushia fluo surréaliste se situant à mi-chemin entre les infrarouges et les ultraviolets. Cette couleur permet d’accentuer le sentiment d’anxiété et de nous proposer à l’écran d’ahurissantes séquences d’hallucinations, de distorsions spatio-temporelles et d’excès d’ésotérisme. Stanley n’hésite pas non plus à jouer la carte du gore décomplexé et de la terreur graphique dans certaines séquences hallucinantes rendant à la fois hommage à l’horrible subjectivité si chère à Lovecraft, mais aussi à certains grands classiques du genre (les fans de John Carpenter, David Cronenberg, Alejandro Jodorowsky et Brian Yuzna seront ravis). Le tout étant sublimé à son paroxysme par le score hypnotique et dark de Colin Stetson, lequel a fourni un travail absolument fantastique sur des sonorités synthétiques dont le côté artificiel n’est égalé que par le côté sinistre (entre les infrasons et ultrasons, certaines oreilles particulièrement sensibles ne vont pas apprécier !!). On peut saluer les belles prestations de Joely Richardson en femme traumatisée, d’Elliott Knight en scientifique de passage là où il n’aurait jamais dû être et de Madeleine Arthur en petite fan d’ésotérisme ; force est de constater que celui qui crève l’écran n’est autre que Nicolas Cage qui nous livre ici l’une de ses meilleures prestations depuis des lustres : ça fait vraiment plaisir de le revoir en si grande forme !! Très bonne adaptation de la célèbre nouvelle de H.P. Lovecraft, "Color Out of Space" nous propose un incroyable trip psychédélique cruel et paranoïaque aux portes de la folie pure qui a l’avantage de ne pas tomber dans les sempiternels travers scénaristiques du genre tout en parvenant à maintenir le spectateur en haleine. Le film ne vaut que pour son incroyable esthétisme et la formidable prestation de Nicolas Cage et je ne peux que vous le recommander….si vous êtes épileptique, faites attention tout de même ! En tout cas, c’est un retour gagnant pour Richard Stanley, lequel a déjà annoncé qu’il adapterait prochainement une autre nouvelle de Lovecraft, « L’Abomination de Dunwich » j’ai vraiment hâte de voir ça !!!