Richard Stanley est un réalisateur qui mériterait d’avoir un budget illimité pour tous ses projets, car il filme trop peu de métrages et pourtant il est toujours excellent dans ce qu’il fait. Je voulais voir ce métrage depuis longtemps, sans réussi à le trouver, étant fan des 2 autres films du réalisateur, et je ne suis pas déçu du visionnage.
Ici c’est la rencontre d’un réalisateur plasticien avec une vraie patte visuelle, et d’un écrivain hyper inventif, Lovecraft, et la rencontre fonctionne, car on retrouve les 2 maîtres. Formellement, on sent que c’est fait avec un petit budget de série B, mais l’inventivité de Stanley compense largement. Les images sont d’une beauté totalement inquiétante, cette couleur violette qui imprègne de plus en plus le film est hypnotique, les décors de contes, un peu Alice au pays des merveilles au début, deviennent de plus en plus décrépis, les effets numériques sont un peu aléatoires, mais le recours aux animatroniques compense en partie cette faiblesse. Quel plaisir de retrouver de l’horreur craspec à la Yuzna et à la Stuart Gordon ! Franchement, le film est délicieusement horrifique dans l’esprit des métrages des deux sus-nommés, et je n’imaginais plus en revoir de tel à notre époque. Formellement, le film est très bon.
Le scénario est fidèle à la nouvelle de Lovecraft. L’histoire est juste ramenée à notre époque, mais sinon, tout est dans l’esprit de la nouvelle. Le film commence sur une dynamique bucolique, et petit à petit, l’inquiétude grandit, et le film devient de plus en plus sombre dans son intrigue. J’ai énormément apprécié la radicalité de la proposition. Stanley se moque du politiquement correct, de la demi-mesure, il y va à fond, et que ça fait plaisir ! On pourra peut-être regretter une mise en place un peu longue dans la première partie, et un film d’1 heure 50 qui aurait pu s’économiser une dizaine de minutes, mais franchement, si vous voulez voir un film qui ne fait pas dans la dentelle avec ses personnages, qui se veut vraiment angoissant, Colour out of space est énorme !
Côté casting le film est inégal. Il bénéficie quand même de la présence illuminée de Nicolas Cage, évidemment parfait dans un rôle aux limites de la folie, c’est ce qu’il sait le mieux jouer. Il est entouré d’acteurs moins qualifiés, qui ne m’ont pas trop convaincu au début, je dois le reconnaître, parce qu’ils manquaient singulièrement de charisme et d’aura à l’écran. Toutefois, il faut reconnaître que l’alchimie familiale fonctionne assez bien entre eux, et qu’au bout du compte, certains, notamment Madeleine Arthur, prennent leurs aises dans la seconde partie. Globalement, si ce n’est pas le point fort du film, ça reste très acceptable.
A noter enfin une partition musicale tout à fait dans l’esprit du film, inquiétante, dissonante, un peu contemplative pleine de bruitages étranges.
Pour ma part Colour out of space c’est une adaptation lovecraftienne comme on savait les faire dans les années 80. Ce film au parfum délicieusement rétro est l’anti-Blumhouse par excellence. Doté d’une vraie patte graphique et musicale, respectueuse de son matériau d’origine, violente, glauque, radicale dans chacun de ses parti-pris, Stanley rappelle encore une fois qu’il est un véritable artiste et un maître de la débrouille dans ce métrage indubitablement incontournable si l’horreur actuelle vous insupporte par sa mièvrerie. 4.5