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Jean-François S
53 abonnés
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4,0
Publiée le 20 février 2022
A la vue de cette comédie, impossible d'y discerner la patte de John Ford, pour un film qu'on attribuerait bien plus à Frank Capra ou Howard Hawks. De Capra on y retrouve le sens de la frénésie et de la folie du monde moderne dans le déchainement médiatique qui submerge le pauvre Mr Jones. On y retrouve l'humour de Hawks pour la screwball comedy avec le running gag de Meek qui réclame sa récompense tout au long du film. Plus étonnant est l'interprétation de Jean Arthur, pétillante fille moderne et cynique, qui jouera exactement le même rôle dans le célèbre "Extravagant Mr Deeds" de Capra un an plus tard.
« Toute la ville en parle » est sans doute le film le plus sous estimé de ceux que John Ford a réalisé dans les années trente. Il fut longtemps considéré par la critique comme du sous Capra, l’inventivité de ce dernier en moins. Certes de l’italo américain Ford a gardé le rythme trépidant et une élégance qui évite la balourdise et la stupidité. Toutefois, il peut aussi être vu comme une screwball comedy à la Howard Hawks, en particulier avec le running gag de la récompense. Mais le film développe surtout une ambiguïté assez étonnante dans la personnalité du petit comptable à qui endosser le rôle du gangster apporte désinhibition et un certain sentiment de puissance. Edward G. Robinson livre une performance exceptionnelle dans les deux rôles qu’il rend si différents qu’ils semblent être interprétés par deux acteurs distincts, sans aucun artifice de grimage. Jean Arthur est épatante de peps dans le rôle d’une fille moderne et lucide et les autres rôles font le job. Pour être complet John Ford réalise en film sans temps mort et les 93 minutes du métrage passent trop vite.
Cinéaste rural par excellence, John Ford déroge brillamment à son univers avec cette comédie dont le sujet correspond en apparence davantage à un Capra ou à un Hawks. Le réalisateur prend un malin plaisir à faire tourner le gangstérisme et la bureaucratie en bourrique, enchaînant les gags et quiproquos avec un savoir-faire et un dynamisme exceptionnels. Le casting n'est pas en reste, d'un Edward G. Robinson toujours remarquable à une Jean Arthur pétillante en passant par des seconds rôles délicieusement caricaturaux. Une indéniable réussite.