S’il existe des romans de Noël, des téléfilms de Noël, des chansons de Noël, il existe aussi des films de Noël. Des films dont l’action se situe à cette période précise de l’année, en général des comédies, et dont le propos est aussi consensuel qu’il est inoffensif. Pas de doute « Docteur ? » est parfaitement calibré pour cette période. Voilà une comédie courte, bien rythmée, à l’humour efficace est sans trop de mauvais gout
(un peu quand même, mais comme ça on apprendra ce qu’est un fécalome !
), et qui joue la partition bien rodée du duo « clown / clown triste ». Même si dans l’avant propos, juste avant le générique de début il est précisé que le film se base sur une histoire vraie, on a quand même bien du mal à y croire. En fait, on ne croit pas à grand-chose dans le film de Tristan Séguéla, ni à ce médecin qui accepte de faire des auscultations par personne interposée, ni à ce livreur Uber Eats (à la quelle le film fait un pub tout sauf discrète !) qui joue au docteur, ni à ces patients qui semblent ne rien remarquer.
Je ne parle même pas de la fin, qui même si elle est drôle, est encore moins crédible que tout le reste !
Mais au fond, tout cela n’est pas bien grave car c’est pour le numéro de duettiste prometteur que l’on va voir le film, pas pour voir un film réaliste sur la médecine de ville et ses disfonctionnements ! Le scénario ronronne, après une rencontre explosive entre les deux protagonistes, les consultations s’enchainent, les plus bénignes possibles, jusqu’au deux dernières,
où Malek, puis Serge et Malek auront enfin l’occasion de se conduire de façon héroïque
. On ajoute le petit moment d’émotion,
avec une histoire de deuil évoquée à demi-mot, et la jeune Rose, fragile et dépressive
. Tout cela pour aboutir à une fin ultra attendue, aussi optimiste qu’irréaliste. Même si on ne s’ennuis pas, si les gags s’enchainent bien (certains étant franchement plus drôles que d’autres), on reste un petit peu sur notre faim. L’action se déroulant sur une seule nuit, on ne fait qu’effleurer ces personnages alors que celui de Serge notamment, intrigue. Par bribes, on reconstitue sa personnalité,
son passé de médecin humanitaire, son drame personnel, la relation amour-haine qu’il entretient avec la standardiste de SOS Médecins, ses problèmes d’alcool, de médicament, d’entorse à la déontologie, etc…
Pour le personnage de Malek c’est encore pire, de lui on ne saura quasiment rien, si ce n’est qu’à 26 ans, il galère et vit encore chez ses parents. Le duo de circonstance fonctionne, pas grâce à la profondeur de leur personnage, c’est sur, mais grâce aux deux comédiens qui les incarnent. On ne présente plus Michel Blanc, qui houe sur du velours dans le rôle de clown blanc, désagréable et irascible en apparence, brisé et fragile sous le masque. Ce genre de rôle, Michel Blanc sait le faire à la perfection, il l’a déjà prouvé mille fois. De tous les acteurs du Spendid c’est surement celui qui aura été le plus audacieux dans ses choix de carrière. Mais ici, pas d’audace, juste de l’efficacité. La vraie bonne surprise du casting c’est Hakim Jemili, dont c’est le premier grand rôle au cinéma et s’en sort très bien, en en faisant beaucoup c’est vrai mais trop non plus. En plus, il arrive à jouer de son charme l’air de rien, on finit même par le trouver carrément craquant ! Quelques seconds rôles sont intéressants, dans les rôles des patients bien sur. Franck Gastambide revenant à trois reprises dans le rôle du sale type désagréable,
dont Malek trouvera à se venger, d’une façon certes un peu limite, mais tans pis pour lui ! Entre parenthèse, ce patient là ne consulte pas pour des questions de mémoire alors qu’il y aurait surement matière, vu qu’il ne reconnaît pas Malek alors qu’il le voit deux fois en l’espace de quelques heures !
Fort de ce casting réussi et de ce scenario formaté pour plaire et faire rire le plus grand nombre, Tristan Séguéla livre un film de Noël qui connaitra, j’en suis sure, son petit succès de circonstance. Mais il y a fort à parier que le souvenir de ce film ne perdurera pas au-delà de 2020. Reste 1h30 de rire bon enfant, de « Paris by night » très élégamment filmé ainsi que, peut-être, le début d’une ébauche de réflexion sur l’état de la médecine de Ville en 2019, avec ce médecin itinérant qui se retrouve seul pour une garde alors qu’il n’est clairement pas en l’état de l’assurer. Au cinéma, et seulement au cinéma, c’est l’occasion d’en rire.