Chaque année pour l’Épiphanie, la communauté orthodoxe d’Europe de l’est organise des lancers de croix, notamment en Bulgarie, en Russie, en Roumanie, en Serbie et en Macédoine. En 2014, une femme a attrapé la croix dans la ville de Stip, à l’est de la République de Macédoine, et son geste a soulevé un tollé au sein de la population locale et des autorités religieuses. Teona Strugar Mitevska explique :
"En effet, les femmes ne sont pas autorisées à participer à l’événement. On a donc essayé de lui reprendre la croix, mais la jeune femme a tenu bon. Le lendemain, elle a donné une interview à la station de radio locale, incitant les femmes à plonger pour récupérer la croix à l’avenir. La population l’a traitée de folle, de femme perturbée... Avec ma productrice, Labina Mitevska, nous nous sommes dit que ces réactions traduisaient un réflexe naturel de conformisme social et révélaient la misogynie des normes patriarcales profondément ancrées dans notre société. C’était à la fois frustrant et exaspérant. L’histoire de Petrunya est née de cette frustration : il fallait que nous réagissions."
Avec Dieu existe, son nom est Petrunya, Zorica Nusheva trouve son premier rôle dans un long-métrage. La réalisatrice Teona Strugar Mitevska raconte au sujet de cette comédienne qui fait par ailleurs partie d’une troupe de théâtre comique de Skopje : "Ce qui est merveilleux avec les acteurs de comédie, c’est qu’ils ont un sens parfait du rythme et du timing. En général, je passe beaucoup de temps à choisir mes acteurs et à répéter avec eux. Cela peut prendre des mois. Les répétitions finissent par faire partie du processus de casting, c’est un travail particulièrement utile et gratifiant. Je cherchais quelqu’un qui dégage une force tranquille, et dès que j’ai vu Zorica, j’ai su qu’elle serait ma Petrunya."
Avec Dieu existe, son nom est Petrunya, Teona Strugar Mitevska a voulu faire un film féministe. La réalisatrice précise : "Toutes les sociétés patriarcales sont conçues pour conforter la domination masculine, le statut et l’espace social des femmes y sont déterminés par les hommes, donc chaque fois qu’un film traite de près ou de loin du soi-disant « deuxième sexe », il est nécessairement féministe. Tout film dont le personnage principal est une femme, ou qui traite son sujet sans se conformer aux rôles traditionnels est un film féministe. J’ai du mal à imaginer être une femme et ne pas être féministe. Le féminisme n’est pas une maladie, il ne faut pas en avoir peur. L’égalité, la justice et l’équité sont au coeur même de son idéologie."
Teona Strugar Mitevska est née en 1974 dans une famille d’artistes à Skopje, en Macédoine. Après avoir été actrice alors qu’elle était enfant puis avoir travaillé comme peintre et graphiste, elle étudie le cinéma à la Tisch School of Arts de l’université de New York. Elle débute en tant que réalisatrice en 2001 avec le court métrage Veta, qui remporte le prix spécial du jury au festival de Berlin. En 2004, son long-métrage How I Killed A Saint remporte le grand prix du festival de Rotterdam.
En 2007-2008, Je suis de Titov Veles est présenté aux festivals de Toronto (Disovery), Berlin (Panorama) et Cannes (ACID). Ses longs-métrages suivants, The Woman Who Brushed Off Her Tears et When The Day Had No Name sont également sélectionnés au festival de Berlin (Panorama Special). Tourné en 2018, Dieu existe, son nom est Petrunya est présenté en compétition au festival de Berlin 2019. En 2004, elle crée avec son frère Vuk et sa soeur Labina la société Sisters And Brothers Mitevski, qui produit ses longs-métrages et a notamment coproduit Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan et Sieranevada de Christi Puiu. Teona Strugar Mitevska vit à Bruxelles avec son fils Kaeliok.