Avec Ducobu 3, Elie Semoun pousse le culte de soi jusque dans ses retranchements les plus grossiers, ne se contentant pas de réaliser ce troisième opus mais s’obstinant à se donner non pas un non pas deux mais trois rôles au sein de son propre film. Peu de plans où il n’apparaisse, pas une séquence qui ne soit coupée par ses interventions. Si bien que le montage ressemble davantage à une opération de collage d’images-profils, de la même manière que les célébrités distribuent des photographies signées de leur personne. D’entrée de jeu, Ducobu et son instituteur sont placés sur le même plan par un montage qui alterne, sous la forme d’un jeu de miroir, la préparation bien différente avec laquelle ils envisagent la rentrée scolaire ; et ce couple antinomique n’aura de cesse de se retrouver par la suite, faussant la relation maître-élève, l’exagérant, la dénaturant : même au musée d’Histoire Naturelle, Ducobu et sa famille ne peuvent s’affranchir de Latouche, sa sale bobine contaminant le visage des hommes des cavernes. Lorsqu’il découvre madame Rateau éplorée, l’élève rayé de noir et de jaune lui demande les raisons de son état : il me manque ! Qui ? D’après toi, qui peut bien manquer ? Le professeur Semoun bien entendu ! Le narcissisme atteint ainsi des sommets, allant d’ailleurs jusqu’à entretenir une fascination étrange pour son propre corps – en témoigne la danse en slip moulant, fort déplaisante – alors que l’intrigue maigrichonne conçue ici ne le justifie jamais, alors qu’il peine à apporter du comique. Le montage rend également problématique la durée des plans : quelques secondes, un gag, puis on passe à la suite. Règne dans ce troisième volet une impression de superficialité, de film industriel qui débite ses sketchs comme les machines déversent de la confiture dans les pots de verre et passent aux suivants. Tout est cloisonné, enfermé dans des décors qui sentent le studio, rien ne respire. Et la jeunesse, parlons-en ! Les jeunes acteurs récitent des textes sans être correctement dirigés, ce qui engendre un sentiment de facticité qui va crescendo. Finalement, les élèves sont aussi faux que les chansons truquées de Ducobu, le rythme aussi agressif que les interpellations irritantes de Latouche. Pourtant, il y a dans ce long métrage une certaine allégresse, un goût pour le duo comique qui permet aux personnages de voir leur caractérisation muter ; les couples se défont et se refont, conférant à l’ensemble un dynamisme bienvenu : Rateau, d’ennemie jurée de la marâtre, devient sa complice contre son amant, Ducobu s’allie avec son rival tricheur pour participer au concours de chant, Léonie éprouve son amoureux par l’intermédiaire d’un petit nouveau à la voix d’ange – l’acteur de Just a Gigolo –, Hervé et Adeline, suite à une méprise commune, jouent des rôles qui ne leur vont pas. C’est ce plaisir du travestissement – non pas celui d’Elie Semoun, mais celui de ses personnages –, cette mise à l’épreuve de l’identité au contact d’autres rôles, qui confèrent à Ducobu 3 un intérêt, certes relatif.