« Chambre 212 », c'est au fond ce que j'aime et n'aime pas dans le cinéma de Christophe Honoré. Quelques précisions s'imposent toutefois : la comédie dramatique n'est pas le domaine de prédilection du bonhomme, il y avait donc beaucoup d'inconnus autour de ce titre. Celui-ci fait preuve, comme souvent, d'une vraie personnalité, dans la mise en scène comme les dialogues, cette volonté de chercher autant de situations originales, étonnantes, étant vraiment à saluer. On peut ne pas apprécier son approche (c'est régulièrement mon cas), on ne peut que lui reconnaître cette volonté de s'éloigner du tout-venant, encore plus sensible ici. C'est sans doute la première fois qu'il assume autant la fantaisie, le décalage, voire une part de rêve, de fantastique. J'ai apprécié ces changements de ton, amenant à certains passages cocasses, en dehors de toute logique réaliste parfois si pesante dans notre cinéma hexagonal. Malheureusement, Honoré reste Honoré : il y a toujours un côté presque prétentieux, du moins incapable de s'adresser à un public large. On reste dans cette logique bobo, aisée, où l'on aime s'écouter parler sans vraiment se préoccuper d'avancer dans le récit, me faisant, parfois longuement, décrocher. Pourquoi se complaire dans les mots, voire une forme de pose alors que ce huit-clos avait tant à offrir par ses possibilités quasi-infinies ? Mais bon, j'imagine qu'il faut accepter ce cinéaste tel qu'il est, renoncer à espérer voir une œuvre accomplie de bout en bout de sa part. Se satisfaire des (vraies) belles réussites : cette réflexion sur l'usure du couple, pertinente voire vraiment touchante, ce sens de l'absurde amené par les « fantômes du passé », en premier lieu la famille et surtout les amants de l'héroïne, amenant un vrai burlesque plutôt plaisant, tout comme les références cinéphiles plus ou moins cachés. C'est d'ailleurs peut-être le meilleur rôle de Chiara Mastroianni, renversante de beauté, de charme, rendant intense ce « Don Juan féminin », loin d'être infaillible et encore moins insensible, son entourage étant plus inégal : mention pour Vincent Lacoste et Camille Cottin, tandis que Benjamin Biolay n'est même pas au rattrapage (allez, c'est un peu mieux dans le dernier tiers) : cette volonté de continuer à lui confier des rôles d'envergure par tant de réalisateurs m'étonne régulièrement. Avec, en prime, le très beau
« Désormais » de Charles Aznavour et surtout le somptueux « Could It Be Magic »
de Barry Manilow lors d'une merveilleuse séquence où Christophe Honoré assume, enfin, pleinement une profonde mélancolie, donnant beaucoup de puissance à son propos. Un voyage mélangeant passé et présent s'éloignant trop souvent du cœur de son histoire pour nous captiver de bout en bout, tout en offrant suffisamment de réflexions et d'instants réjouissants pour sortir de la salle un minimum avec le sourire : plutôt un bon cru de ce réalisateur si inégal.