Difficile de ne pas penser au Seigneur des anneaux lorsque l'on évoque le cinéma de fantaisie médiévale. Ce premier volet a, en quelque sorte, établit les codes du genre : décors pharaoniques, chevauchées endiablées, fraternité exacerbée, courage, honneur, épique, grandiose. Attention, tout de même, à ne pas tomber dans l'écueil de la solennité excessive ou du manichéisme biblique.
Nombreux sont les spectateurs qui resteront hermétiques à un univers aussi foisonnant en personnages, en noms de lieu et en créatures. L'univers est bourratif, certes, mais n'est-ce pas ce que l'on attend des récits de fantaisie ? Cela étant, on s'accordera à dire que le nombre de personnages auraient pu être réduit – Legolas, Gimli, Merry et Pippin sont dispensables au récit – et que le film aurait pu ne pas suivre tous les méandres du récit de Tolkien. Il s'en déprend habilement de certains, d'ailleurs, qui nuisaient plus à l'histoire et au rythme qu'autre chose. On pensera, bille en tête, à Tom Bombadil, qui a tout pour ruiner la compréhension des enjeux entourant l'anneau.
L'imagerie de l'Heroic fantasy trouve son apogée en la présence des cavaliers noirs, à l'allure inquiétante, impliquant, à leur passage, un ralentissement de l'image, comme si, à l'instar de la peur qu'ils instillent aux personnages, ils parviennent à ralentir notre perception sensorielle. On ne peut pas non plus rester de marbre face à la quantité d'accessoires et de costumes déployés. Le budget se fait ressentir dans le florilège d'effets spéciaux et de décors variés, créés de toute pièce.
D'opposer, de façon binaire, un lieu aussi édénique que la Comté au désert brulé du Mordor nous fait tout de suite comprendre qu'on aura affaire à un conte schématique, dans lequel le mal se caractérise par la mort de la nature, les ténèbres, l'orage et l'industrie, tandis que le bien s'accompagne d'une luxuriance, d'un plaisir bucolique ensoleillé et d'un pacifisme débonnaire. Et pourtant, une grande partie du propos de Tolkien, que prolonge Jackson dans la trilogie, s'évertue à brouiller la frontière entre le Bien et le Mal.
Croyant qu'il était, Tolkien nourrit l'idée chrétienne que le Mal ne nait pas Mal, mais le devient, et qu'il est salutaire de garder espoir en la bonté subsistant chez un être devenu maléfique. On le voit à travers Sauron, héritier de Morgoth, représentation évidente de Lucifer, mais aussi en le personnage de Gollum,
dont la vie épargnée permettra, par son avidité envers l'anneau, de vaincre le Mal… par le Mal
. À quelque chose, malheur est bon.Tolkien milite aussi contre la peine de mort, à travers les multiples sentences de Gandalf.
En somme, un rythme bien maîtrisé pour un film qui, en version longue, s'étale sur près de 3 h 50, grâce à l'évolution des décors, une progression efficace, une pluralité de situations et de personnages, et des séquences d'action prenantes. On vient pour tirer profit du genre proposé ; on ressort avec le merveilleux, la créativité et l'épique de ces récits aujourd’hui éculés.