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🎬 RENGER 📼
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3,0
Publiée le 10 octobre 2020
Le néolibéralisme à deux vitesses, voilà ce qui frappe le spectateur à la fin de la projection. Marcelo Gomes nous fait découvrir la ville de Toritama, une "ville usine" située au nord-est du Brésil qui se vante d’être « la capitale du jean ». Et pour preuve, ces milliers d’habitants ne vivent que du jean, de la conception à la fabrication en passant par la vente, ces milliers de petites mains vont jusqu’à travailler 17h/jour pour confectionner des jeans afin de fournir jusqu’à plus de 20 millions d’unités chaque année.
Contrairement aux usines chinoises qui exploitent de la main d’œuvre, ici, la main d’œuvre est maître ! Ils décident de leurs horaires, décident de travailler ou non, à quelle cadence, … et pour cause, ils travaillent tous à leur propre compte. Des micros-usines (des factions) qui ont vues le jour dans d’anciennes maisons ou garages. Des installations brinquebalantes et où le système D est devenue monnaie courante. La chaleur omniprésente, le bruit assourdissant et la vie grouillante de ces milliers de petites mains ont radicalement changé la vie de Toritama, c’est ce qu’a voulu nous montrer le réalisateur, à quelle point la ville de son enfance était devenue non pas la capitale du jean mais celle du capitalisme. Les ouvriers n’ont yeux que pour "l’or bleu", ils s’abrutissent à la tâche et ne prennent des congés qu’une fois par an, pour le fameux carnaval.
Mais comment assister au carnaval lorsque l’on n’a pas un sous ? Les ouvriers ont beau se tuer à la tâche, ils vivent toujours sous le seuil de pauvreté et doivent (comble de l’ironie) vendre ce qui leur appartient (télévision, frigidaire, …) pour pouvoir se permettre de se payer le voyage jusqu’à la plage, là où ils pourront assister au carnaval. Tout ça pour… ça.
Le productiviste et l’abrutissement à longueur de journée les ont totalement déconnecté de la réalité.
Le petit village de Toritama au nord-est du Brésil est la "capitale du jean". Chaque année, près de vingt millions de paires en sont produites par une immense main d'œuvre industrieuse dont le seul loisir, le seul moment de détente dans l'année est le carnaval qu'elle va passer au bord de l'océan tout proche.
En allant voir ce documentaire brésilien, on escompte volontiers un énième témoignage sur les conditions de travail quasi-esclavagistes d'un lumpenprolétariat asservi à des cadences infernales, leurré par la perspective lointaine d'un loisir frelaté. "Panem et circenses". La réalité est plus complexe.
L'industrie du jean à Toritama est organisée autour de mini-structures unipersonnelles. Chaque travailleur est son propre patron. Mais cette autonomie est vaine. Obnubilés par l'appât du gain, les travailleurs n'en profitent pas et se soumettent d'eux-mêmes aux pires conditions de travail.
Du coup, l'impression qu'on retire de ce documentaire est très ambigüe. On peut bien sûr s'insurger de cet énième ruse de l'hypercapitalisme qui, sous couvert de redonner leur autonomie aux travailleurs, n'en a pas pour autant allégé leur servitude. On peut aussi se lamenter de l'état d'esprit de ces hommes et ces femmes, de leur obsession pour l'argent, de leur incapacité à rompre les chaînes qui les entravent.
Et puis, on peut voir dans la préparation du carnaval, dans les comportements irrationnels de ces travailleurs qui vendent leurs biens de première nécessité, qui sacrifient l'épargne patiemment accumulée pour se payer ces trop rares vacances, un pied de nez à la loi d'airain du capitalisme, un sursaut de vie, toujours plus fort que la logique de l'argent.