Voilà un film estampillé « Festival de Cannes 2020 », cependant il ne sortira dans aucune salle en France. C’est bien dommage, il aurait mérité le confort des salles obscures. Francis Lee nous peint deux femmes assez taiseuses, deux femmes socialement différentes et qui finiront par s’aimer le temps d’un séjour. Nous avons d’un côté Mary Anning sous les traits de Kate Winslet, célèbre paléontologue, une femme à l’image de ses fossiles : rude, rugueuse. De l’autre Charlotte Murchinson campée par une Saoirse Ronan, quelque peu effacée. J’ai trouvé le film plaisant malgré de longs plans silencieux. Ces silences s'inscrivent dans le mode de vie de Mary Anning. Il y a un travail sur le son, la mer, les ustensiles de cuisine, les outils paléontologiques, la ville de Londres ressortent intensément. Ce son contribue à la perception du toucher et évidemment de l’ouïe. Deux actrices qui portent le film et font oublier une mise en scène assez conventionnelle. Par contre on peut légitimement s’interroger sur le parti pris de Francis Lee, à savoir l’orientation sexuelle de Mary Anning. Comme il y aurait peu d’informations privées sur Mary Anning, le réalisateur la voit lesbienne. Un fantasme ? Pourquoi pas, il peut avoir sa propre vision de son personnage en fonction des éléments qui ont nourri son film. Un fantasme ou un cliché ?! On peut s’interroger mais ne point être choqué. Comme on peut aussi s’interroger sur les derniers ébats explicites, lesquels se veulent passionnants, inoubliables avant un départ inéluctable, alors que les séquences précédentes étaient délicates, pudiques et suggestives. De là à crier au scandale, à accuser le réalisateur de se faire plaisir, profiter de son état, il ne faut rien exagérer. J’ai souvent remarqué que l’on criait plus facilement au scandale aux scènes d’amour sexualisées qu’à la violence ! Ce n’est pas « La vie d’Adèle », bien que les fameuses scènes d’amour ne m’aient en aucun dérangé. Comme je l’ai souvent écrit, rien ne me choque dans l’art, je suis pour une expression artistique totale même si je ne partage pas toujours les goûts et couleurs des réalisateurs (trices). Comme l’écrit Evelyn Beatrice Hall, dans un livre édité en 1906 : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » (Eh oui, ce n'est pas de Voltaire, c'est un écrit apocryphe !) . Alexandre Dumas, pour ne citer que lui, s’arrange bien avec ses personnages historiques, leur prêtant des intentions, des paroles qui relèvent de l’imagination de l’auteur. Revenons à notre paléontologue, « Ammonite » est un film qui m’a fait penser à « Portrait de la jeune fille en feu », deux femmes, deux solitudes, prisonnières de la société fin XVIIIème siècle avec pour décor la mer. « Ammonite » est un film plaisant porté par deux actrices à l’interprétation impeccablement sobre et convaincante.