Regarde ailleurs : les secrets du tournage

Selon le réalisateur, la "menace No Border" est "un bon prétexte pour justifier un dispositif policier démesuré et contenir les soutiens extérieurs". Le terme "No Border" ne désigne pas un groupe de gens défini mais plutôt des valeurs auxquelles chaque personne peut se rallier, telle que la liberté de circulation pour toutes et tous, la suppression des frontières, etc. "Pourtant", précise Arthur Levivier, "le gouvernement et certains médias utilisent fréquemment ce terme pour désigner tous les militants non affiliés à des associations, qu’ils décrivent souvent comme des 'militants violents d’extrême gauche'. Et lorsque que cette image est bien ancrée dans l’opinion public, ils peuvent ensuite l’utiliser pour justifier leurs 'mesures de sécurité'".

Quelques jours avant l’expulsion du bidonville de Calais, prétextant la “menace des No Border”, l’Etat avait mobilisé 3000 policiers et mis en place un système d’accréditation afin de pouvoir décider de qui pourrait - ou non - être présent sur place pour témoigner des opérations.

L'équipe de Regarde Ailleurs, arrivée sur le camp la veille de l'expulsion, a pu entrer sans accréditation mais ne pouvait plus sortir, au risque de ne pas pouvoir y retourner. Aussi est-elle restée 24h sur 24h sur les lieux, permettant d'embarquer la caméra là où il n'y en avait pas.

Après avoir entendu de nombreux témoignages relatant des violences policières envers les migrants du camp, le réalisateur a dormi sur place à plusieurs reprises afin de saisir ces faits mais rien ne se passait. Il revient quelques mois plus tard équipé de caméras de chasse qui détectent les mouvements. Avec l'aide des personnes sur place, il cache ces appareils dans les arbres : "La compagnie de CRS a changé et les techniques aussi : les images enregistrées ne montreront pas les violences physiques mais elles seront des preuves irréfutables de la violence psychologique quotidienne que subissent les exilés".

Le réalisateur revient sur la technique trouvée pour diffuser les extraits de médias télévisés : "Les mettre en plein écran me dérangeait car c’était leur donner autant d’importance que le monde réel. J’ai alors eu l’idée d’une télévision que je pourrai déplacer dans les différents lieux symboliques du film afin d’insister sur l’immobilisme de la situation face à la répétition des discours politiques".