Si la fidélisation du public du MCU s'éparpille entre le salon et les salles obscures, il reste à la fameuse franchise de renouveler ses enjeux, d'étendre son univers et de rassembler des diverses communautés. Ce dernier point a toujours été un facteur déterminant, soulignant un manque de discernement dans son envol cinématographique. Cela n'est pas près de changer, bien que l'on puisse noter une brève amélioration dans le semblant d'adrénaline que l'on souhaite nous vendre. Malheureusement, Destin Daniel Cretton n'en aura pas assez sous la main ni sur son objectif, afin de rendre cette énième origin story mémorable et digérable. C’est enfin la première incursion dans du neuf depuis la première génération des Avengers et on s’amuse à refaire le monde, avec tous ces easter-eggs, à présent délivrés sous forme d’un fil rouge discret.
Il y avait donc un peu d’espoir pour celui qui s’est révélé avec « States Of Grace » et « Le Château de Verre », mais nous sommes loin de ces communautés dysfonctionnelles et de l’émotion qu’elles pouvaient générer. Sous le format et l’élan de la musique pop, le héros n’est qu’un enfant en errance dans un San Francisco formel la journée et en roue libre le soir. C’est exactement de cette manière que le reste du récit sera construit, par bride de cette fantaisie à moitié assumée. Simu Liu donne pourtant une certaine présence à son personnage, mutilé par le passé de sa famille. À coup de flash-backs qui en fait son développement personnel, ce dernier évolue avec Katy, campée par une Awkwafina dans un excès d’euphorie. Ce qui consiste à concilier deux cultures et deux visions de la Chine à travers l’expatrié et la sino-américaine. Mais l’on ne dépassera jamais ces intentions, faute d’humour décapant et une approche plus ténébreuse, qui entrent constamment en collision. Il n’y a donc pas d’harmonie, chacun fera ce qui lui plaît de son côté.
Le réalisateur en fait donc de même, sans savoir où il souhaite en venir dans sa structure, qui existe uniquement dans ses scènes explosives. De ce fait, le film ne cesse de s’étirer en son centre, jusqu’à atteindre une durée absurde pour le peu qu’il nous ait à conter. Le reste est noyé dans un amas référencé à « Tigre & Dragon », Tsui Hark et autres Zhang Yimou. Dans ces conditions, hybrider le blockbuster hollywoodien à ces marques déposées a de quoi irriter. Si l’hommage peut sembler satisfaisant au premier abord, le tout est reçu comme une lettre à la poste, sans chaleur ni âme. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir débauché Tony Leung Chiu-Wai dans le rôle du Mandarin. On joue sur l’ambiguïté de son humanité, mais ce sera rapidement désamorcé par la mécanique de l’intrigue. De même, Michelle Yeoh et Benedict Wong ne sont présents que pour certifier une authenticité, qui n’est que vantée au lieu d’être appréciée. La quête de l’enfant perdu ne trouvera donc pas la résonnance souhaitée, au même titre que les valeurs de sa famille, diluées dans une lourdeur que l’on ne peut plus tolérer.
Le projet de séduire le marché asiatique, chinois notamment, ne fait que ramasser un handicap après l'autre, à travers un hommage culturel, travesti en un gros gâteau empoisonné. Et quand bien même l'on réussisse à rendre quelques scènes d'action inventives et audacieuses, les limites techniques se distinguent davantage. Entre deux rencontres titanesques, la finition des effets visuels est négligée et flirte avec le téléfilm de luxe. Par manque de temps, Hollywood a longtemps adopté cette démarche commerciale, où le respect de l'agenda empiète sur la fibre artistique. Elle reste cependant rentable, jusqu'à ce qu'on s'en lasse ou qu'on finisse par ne proposer que ce même menu à la vitrine. « Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux » tente malgré tout de se dresser face à ses obstacles, en vain, comme nombreux héros et héroïnes avant lui.