Pierrot le fou est une comédie dramatique française réalisée par Jean-Luc Godard en 1965. Employant un format d'image 2,35:1, il s'agit d'un film appartenant au genre du road movie et d’une figure emblématique de la Nouvelle Vague, tournée en couleur sur une pellicule standard au format 35 mm. Le film narre le voyage fantaisiste de Ferdinand dit « Pierrot », un homme de nature lunaire incarné par Jean-Paul Belmondo, à travers la France en compagnie de son amie Marianne (Anna Karina). Ils vont notamment se retrouver poursuivis par des gangsters à la mine patibulaire.
La séquence proposée montre le départ des deux amis de l’appartement parisien de Marianne, qui les mènera jusqu’au sud de la France. La fin de l’extrait nous les montre sur l’autoroute, partis pour les bords de mer. Il est au total composé de 23 plans différents présentés dans un ordre linéaire, et avec une bande-son hétérogène entremêlant bande originale extra-diégétique, narration et dialogues intra-diégétiques. A chaque changement de plan, le réalisateur utilise le cut. Il y a à la fois des plans fixes et mouvants. D’abord, nous pouvons dire qu’à l’instar de l’ensemble du film, cette séquence est une ode à la liberté. Effectivement, nous remarquons qu’à de nombreuses reprises Godard s’autorise divers exercices avec d’autres arts. Notamment, aux plans 2, 3 et 4, présentant des inserts sur l’ « ami Pierrot » et autres figures emblématiques enfantines appartenant à l’ouvrage de Ferdinand, faisant allusion à la peinture et à la comedia del’arte, éléments que nous pouvons retrouver d’emblée sur l’affiche du film. Le chef opérateur du film, Raoul Coutard, s’inspire en grande partie du peintre abstrait Nicolas de Stael pour la conception du personnage de Pierrot le Fou et les symboliques des couleurs picturales. Nous constations bien évidement l’analogie entre Ferdinand et Pierrot, son alter ego (plan 2, 0:09), Colombine pour Marianne (plan 3, 0:11), et enfin les deux réunis sur un même plan (plan 21-22, 5:06). Dès lors, nous écoutons les voix-off de Ferdinand et Marianne, par la suite entrecoupées d’un plan-séquence instrumental complexe débutant par un homme allongé mort sur un lit (plan 7). Dans celui-ci, Ferdinand passe devant un mur sur lequel figure les capitales OASIS, faisant allusion à un monde idéal qui lui est pour le moment inaccessible. Marianne tient dans ses mains le livre sur Pierrot. Ferdinand finit par débouler dans la pièce et essaye de distraire l’oncle afin que Marianne puisse l’assommer. Pendant que Ferdinand traîne le corps hébété, la musique s’interrompt et les deux voix-off interviennent de nouveau. Marianne observe la vue du balcon, s’empare d’un fusil dans l’appartement puis retourne sur le balcon d’où la voix off réplique : « C’est moi, Marianne ». Le monde semble alors s’ouvrir à elle par le biais du plan de demi-ensemble sur la terrasse du balcon. Le plan-séquence prend fin. Cette séquence est un mécanisme complexe nuisant quelque part la liberté des personnages, d’où le fait que leur voix-off soit brusquement éclipsée pour laisser place à une musique stridente et peu festive (l’une des seules présentes de tout le film, par ailleurs). Une fois le personnage de l’oncle éliminé, la narration extra-diégétique revient à la normale, confirmant la gêne représentée par Franck. Nous pouvons alors parler d’une ode à la liberté pour le cinéaste, dont le mouvement cinématographique a toujours eu pour valeur de transgresser les règles narratives. Ensuite, cette même impression réitère avec la série d’images débutant par le plan 14 (3:13), sur lequel les héros s’arrêtent à une station d’essence. Ferdinand demande au garagiste de « faire le plein et en silence ». Or, nous savons qu’il est démuni d’argent… cet élément annonce la suite de l’histoire. L’image est suivie par un plan rapproché épaules sur Ferdinand et Marianne (plan 15, 3:29) dans la voiture, se chuchotant des choses. Au plan suivant (plan 16, 3:44), Marianne sort du véhicule et en ouvre le capot. Alors que le garagiste enfonce sa tête dedans, elle lui ferme le capot sur le dos et l’étouffe. Marianne demande à Ferdinand de l’aider à se débarrasser du corps du garagiste. Un autre garagiste arrive sur les lieux, et Marianne compare alors leur situation à une scène de Laurel & Hardy : effet de mise en abîme, revenant nombre de fois par la suite. Cette séquence déjantée démontre bel et bien que Pierrot le fou est l’une des pierres angulaires du road movie, une ode à la liberté pour les personnages, dont les péripéties sont faire-valoir de leur union, transgressant leurs modes de vie habituels. Enfin, par le biais de cette séquence, Godard essaye avant tout d’établir un dialogue avec son public. Effectivement, d’un point de vue visuel et sonore, le film établit un contact avec le spectateur, plus particulièrement en faisant appel à son imagination. Premièrement, les plans 5 et 6 (0:19), insert sur le bureau dans son ensemble puis sur le pistolet, amorcent le récit de genre film noir qui va ponctuer l’intrigue. Puis s’ensuit toute une série de plans qui se démarquent par un montage alterné entre la position des deux protagonistes, et celle des gangsters auxquels ils sont confrontés (plans originaux 8 à 13, 2:45 à 3:12). Le plus intéressant d’entre eux est une plongée sur les gangsters au pied de l’immeuble, intervenant à plusieurs reprises. Cette série de plans d’ensemble ou demi-ensemble rapide s’accompagne par une suite d’énumérations prononcée par les personnages en extra-diégétiques, créant ainsi un dialogue entre les personnages et le spectateur à qui ils semblent s’adresse (étant donné que par discrétion ils ne peuvent parlent entre eux) : « […] sortir d’un mauvais rêve, partir en vitesse […] ». Ainsi, la narration de cette séquence suscite beaucoup d'interrogations mais n’a d’autre but que de susciter ovations de la part d'une catégorie de public s’identifiant aux personnages, à l’ère de mai 68. Godard détourne des sujets de société tabous à travers une série de symboles et de citations philosophiques.