Malgré sa sortie discrète, "Le sommet des dieux" de Patrick Imbert a sut attisée ma curiosité, notamment car l'animation française est bien trop rare malgré nos nombreux talents au cœur de cette industrie et qu'elle se doit d'être soutenue.
Adapté de feu Jirō Taniguchi, dont c'est déjà la deuxième adaptation d'une de ses œuvres par la France après "Quartier Lointain", "Le sommet des dieux" prend pour base une histoire de mcguffin façon "Citizen Kane" pour nous emmener dans une expérience sensorielle ayant pour but de nous faire ressentir l'expérience de l'alpinisme, et de nous proposer de comprendre pourquoi des gens sont prêts à risquer leur vie pour cette discipline. Une base solide, tant je dois bien avouer que l'alpinisme fait partie de ces pratiques avec lesquelles j'ai une lourde distance émotionnelle.
De mon côté, ça marche : entre la beauté des panoramas, le rythme lent qui nous fait apprécier la pratique, et le sous-texte de l'histoire qui nous propose une approche pour comprendre, l'alpinisme révèle toutes ses lettres de noblesses de manière parfaitement vulgarisée au cours du film : ce défi où ne veut pas attaquer la nature, mais la défier, en dépassant notre condition pour s'offrir une bouffée de vie en jouant avec la mort. Tout ça marche bien, tout ça se comprend facilement.
L'animation est très propre, rien à dire que ce côté-là, et même si ce n'est pas le type d'animation que je préfère, je salue le travail sur les couleurs, sur les transitions (certains étants particulièrement efficaces), où encore sur le ressenti d'une telle épreuve qui nous plonge vraiment dedans.
Bien que très classique, la "Citizen Kane Story" fonctionne très bien également, et j'ai pris du plaisir à reconstituer avec le héros le puzzle d'une vie. Mon principal problème, hors le fait que j'ai aimé l'histoire sans qu'elle ne me transcende, c'est sur le choix de la langue.
Bien que je comprenne que ce soit un choix, je trouve ça un peu sale d'avoir pensé le film d'abord par le prisme d'une version française et non-japonaise. Déjà, parce que tout se passe dans les régions asiatiques, et quand l'accent jambon-beurre de Damien Boisseau me dit que son personnage s'appelle Fukamachi, pardon, mais ça me fait tiquer. Je ne dis pas qu'il ne fallait pas faire une vf, mais j'aurais préféré pour l'immersion qu'on mette la priorité sur une version japonaise, surtout à une époque et c'est là mon deuxième point, où le public même très jeune est habitué à consommer la langue japonaise à l'oreille, et ce ne sont pas les bons chiffres de "Demon Slayer" qui me diront le contraire.
Malgré ce lourd problème, je reconnais sans souci au film un certain talent pour tout ce qui touche à l'immersion et au dépaysement, notamment par le choix de représenter les montagnes dans un style proche de la peinture qui rappelera Le "Voyageur contemplant une mer de nuages" de Caspar David Friedrich. "Le Sommet des Dieux" n'était pas le voyage le plus fort de mon année 2021, mais je suis content de l'avoir vécu, je suis content de l'avoir ressenti.