Quoi de plus simple, de plus évident qu'un journal filmé ? Caméra au poing, le réalisateur filme à la première personne, et tout ce qu'il montre est frappé du sacrosaint sceau de la vérité.
Avec Rémi lange, de telles platitudes ne sont pas de mise. Comme un grand pervers qu'il est sans doute, Rémi Lange dégénère le dispositif du journal filmé en instillant, bien au-delà de l'orthodoxie actuelle de « l'authenticité », un mouvement subtil, progressif et fatalement jouissif - qui fait glisser le spectateur du vrai aux faux (journal). Au début, parce que le film est improvisé, que le non jeu des non comédiens donne un air de « naturel », on croit volontiers au vrai journal. Mais plus on avance (et surtout avec l'arrivée de l'excellente comédienne professionnelle Magali Le Naour-Saby, chienne dans un jeu de quilles), plus on réalise que tout est mis en scène. Dans un mouvement purement brechtien, le film dévoile ses artifices, il se dynamite lui-même dans un geste d'une grande modernité, ce dont le cinéma actuel, figé dans ses formes, est absolument incapable. Retour à l'artifice nécessaire pour nous dire des vérités autrement plus profondes sur les incertitudes qui touchent à la sexualité et à la famille, en abordant le thème de la pma et de la gpa.
A la fois primitif (par son manque de moyens) et intellectuel dans sa forme, ce film forcément intrigue, dérange. Un bon film doit être comme un caillou dans une chaussure (Lars Von Trier). Et tant pis pour ceux qui n'aiment pas ce qui gratte.