"The French Dispatch" de Wes Anderson, son dixième long-métrage, est une œuvre cinématographique qui incarne son style distinctif et son amour pour les récits visuels complexes. Plongée dans une ville fictive appelée Ennui-sur-Blasé, évoquant le Paris des années 50-60, cette comédie dramatique mêle esthétisme méticuleux et narration inventive.
Le film se compose de plusieurs tableaux, chacun représentant un article publié dans l'édition finale du journal éponyme, suite à la mort du rédacteur en chef, Arthur Howitzer Jr. (Bill Murray). Le premier segment, avec Herbsaint Sazerac (Owen Wilson), nous entraîne dans une visite à vélo de la ville, capturant son essence nostalgique avec une touche d'humour désinvolte.
Le deuxième tableau, "Le chef-d'œuvre en béton", est particulièrement captivant avec Benicio del Toro dans le rôle d'un artiste incarcéré, Moses Rosenthaler, dont l'œuvre est remarquée par un marchand d'art (Adrien Brody). La dynamique entre ces personnages est riche, mais le récit souffre d'une lenteur qui peut parfois diluer l'impact dramatique.
"Corrections sur un manifeste", le troisième segment, nous présente Frances McDormand dans le rôle de Lucinda Krementz, une journaliste prise dans une révolte étudiante. La relation entre Krementz et le jeune révolutionnaire Zeffirelli (Timothée Chalamet) ajoute une profondeur romantique et conflictuelle, bien que certains moments semblent trop stylisés pour maintenir l'authenticité.
Le dernier tableau, "La salle à manger privée du commissaire de police", avec Jeffrey Wright, offre une combinaison unique de suspense et de gastronomie. Le chef Nescaffier (Steve Park) joue un rôle crucial dans une opération de sauvetage, apportant une dimension presque burlesque à l'intrigue. Cette section brille par son originalité, mais peut paraître déconnectée des autres segments en termes de ton.
Anderson excelle dans la création d'univers visuels luxuriants, avec une attention minutieuse aux détails et une palette de couleurs vibrante. Les décors et les costumes, par Adam Stockhausen et Milena Canonero, respectivement, sont des chefs-d'œuvre en eux-mêmes, enrichissant chaque scène d'un caractère distinct. La photographie de Robert Yeoman capture magnifiquement l'esthétique rétro et fantasque de l'époque.
Cependant, malgré ces points forts, "The French Dispatch" pêche par sa structure narrative fragmentée. L'enchaînement des segments, bien que chacun soit intéressant à sa manière, donne une impression de collage plus que de cohérence narrative. Le film, bien que visuellement splendide, manque parfois de substance émotionnelle et peut laisser les spectateurs ressentir une certaine distance par rapport aux personnages.
La musique d'Alexandre Desplat soutient le film avec une élégance discrète, ajoutant à l'ambiance générale sans jamais prendre le dessus. Les performances des acteurs, de Bill Murray à Frances McDormand, sont solides, apportant chacun leur propre nuance à cette mosaïque complexe.
En conclusion, "The French Dispatch" est une célébration du style unique de Wes Anderson, regorgeant de moments visuels mémorables et de dialogues pleins d'esprit. Cependant, la fragmentation de l'histoire et certaines longueurs narratives empêchent le film de s'élever au rang des chefs-d'œuvre du réalisateur. Pour les amateurs d'Anderson, c'est une pièce essentielle de sa filmographie, bien que ne se hissant pas parmi ses œuvres les plus abouties.