Dernier volet de la trilogie des "Maigret" campé par le monstrueux Jean Gabin, ce "Maigret voit rouge" (titre pas très adapté au ton du film) restera comme l’opus le plus faible, ce qui explique sans doute qu’aucune autre suite n’ait été envisagée. Il faut dire que le film partait avec deux handicaps majeurs, à savoir les départs du réalisateur Jean Delanoy et du dialoguiste Michel Audiard. Difficile, dans ces conditions, d’espérer une quelconque continuité dans l’œuvre, la présence de Jean Gabin étant le seul véritable dénominateur commun entre cet épisode et ses 2 prédécesseurs. Pourtant (et c’est sans doute la meilleure surprise du film), l’absence du génial Audiard ne se fait pas trop sentir, les dialogues, signés de l’écrivain Jacques Robert, étant plus qu’à la hauteur. Concernant la réalisation, le ton gothique du premier épisode et la vague nostalgique de sa suite font ici place à une ambiance policière de facture très (trop ?) classique à laquelle on pourra reprocher un manque de suspense et de rebondissements (aucun mystère n’entoure l’identité des tueurs). Néanmoins, la séquence d’ouverture (et sa tentative de trancher avec les autres épisodes en faisant moderne) laissant craindre un film hybride, on se satisfait sans peine de cette enquête qui permet, en outre, de se rendre compte de l’évolution de la France en 10 ans, les intrigues très franco-françaises des films précédents se voyant ainsi teintées d’une touche internationale avec la présence de la CIA et de gangsters américains (campés, notamment, par un Michel Constantin étonnant). Dommage cependant que ce "Maigret voit rouge" manque autant de caractère (ou, tout simplement, de la patte d’un grand metteur en scène) car, avec la prestation toujours aussi parfaite de Gabin et des 2nds rôles (Guy Decomble, Françoise Fabian, Paul Frankeur, Laurence Badie…), on aurait pu avoir droit à un grand classique du 7e art. On reste face à un témoignage émouvant d’une époque révolue.