Meuuuh oui !
Je n’ai pas vu le 1er film de Naël Marandin, La Marcheuse, qui date de 2015. C’est donc sans idée préconçue que j’ai découvert ces 96 minutes intenses et réalistes, qui savent mêler deux thématiques aussi différentes que les difficultés du monde agricole et des relents nauséabonds d’abus sexuel. C’est #Metoo chez les bovins. Constance est fille d’agriculteur. Avec son fiancé, elle veut reprendre l’exploitation de son père et la sauver de la faillite. Pour cela, il faut s’agrandir, investir et s’imposer face aux grands exploitants qui se partagent la terre et le pouvoir. Battante, Constance obtient le soutien de l’un d’eux. Influent et charismatique, il tient leur avenir entre ses mains. Mais quand il impose son désir au milieu des négociations, Constance doit faire face à cette nouvelle violence. Beau casting pour un film glaçant sous bien des aspects qui nous fait pénétrer au plus intime un microcosme pas très joli à regarder. Un film dossier comme on les aime en France.
Un marché à bestiaux ! Dans cette arène, éleveurs et acheteurs s’observent, luttent et manigancent pour tirer les cours à la hausse ou à la baisse. Les petits fermiers côtoient les patrons d’élevages industriels sous le regard des spéculateurs, des engraisseurs et des centrales d’achat de la grande distribution. Ça grouille. Ça crie. Ça vit. A l’extérieur, des dizaines de poids lourds et de bétaillères, véritables monstres d’aciers, emportent les animaux aux quatre coins de l’Europe. Quoi de plus cinématographique ? Il fallait greffer sur cet aspect documentaire, une intrigue captivante. Ce qui fut fait avec brio. Les personnages sont attachants – ou détestables -, les caractères bien dessinés, la réalisation soignée, le suspense savamment entretenu et les comédiens – nes – au top. Que demander de plus ? Un bon film.
Diane Rouxel domine une distribution très homogène. Elle nous prouve à chaque instant que l’élevage est un monde d’hommes. Elle est parfaite dans le rôle de la fille qui encaisse en silence, jusqu’à ce que… Mais, et c’est là le point fort de ce drame, l’intrigue évite le manichéisme et rend donc les personnages plus complexes qu’on pourrait le penser de prime abord. Complexes, tout comme le fiancé Finnegan Oldfield, l’amant, Jalil Lespert et le père Olivier Gourmet. Tout n’est pas aussi simple que le laisse penser une bande annonce trompeuse. Après Au nom de la terre, Petit paysan, La Nuée, ou tout dernièrement Louloute, le cinéma français prend fait et cause pour nos paysans en proie au mondialisme et au productivisme aveugles. Je crains hélas, que le filon ne s’épuise pas rapidement. Un film tout en tension à voir sans crainte.