Après un bref détour à la maison Disney (Peter et Elliott le dragon), et surtout après nous avoir submergé de mélancolie, à goût de tarte et de larmes avec son « A Ghost Story », David Lowery s’embarque sans une odyssée, proche de l’errance de ses précédents sujets d’étude. Le cinéaste apporte ainsi une nouvelle variation d’un des poèmes de Pearl Poet, « Sire Gauvain et le Chevalier vert », où la légende Arthurienne prend l’apparence d’une aventure dans la psyché d’un héros, qui ne semble pas encore à l’aise au bord de la table ronde. Mieux que ça, on étudie, avec pratiquement la même distance que le fantôme de Casey Affleck, la malédiction qui le touche et qui le condamne à s’élever, afin de résoudre sa destinée.
Nous découvrons Dev Patel, campant un Gauvain qui est loin d’être vêtu d’honneur et d’un amour courtois, donc loin de l’idéal que l’on pourrait se faire du héros. C’est un neveu du Roi Arthur (Sean Harris), dépassé par la légende qu’on lui associe. Il s’agit d’une façon subtile et romanesque d’explorer ce regard fiévreux, d’un homme qui cherche avant tout à se persuader qu’il doit troquer sa lâcheté contre le titre chevaleresque qu’il convoite. Le désir possède son esprit et son âme mutilé, par l’appel d’un chevalier vert, mystérieuse figure christique sachant sa soudaine apparition le jour de Noël, et messager de la nature, qui succédera toujours à l’humanité. Un défi, voire un jeu, est lancé. Le temps est donc compté pour Gauvain, contraint de subir le même sort qu’à ce martyr mystique. Il file alors droit vers son lieu de rendez-vous et de châtiment, un an plus tard, pour tenir des promesses qui révéleront bien plus de failles qu’il n’en avait, en quittant une cité de Camelot ténébreuse.
Mais il n’est pas question de confondre l’environnement avec le lugubre, car Lowery capte des images bien plus rayonnantes que prévu, tout cela afin de mieux contraster avec la noirceur que dégage un Gauvain qui boîte, qui piétine et qui hésite. À la traversée d’une forêt de toutes les épreuves morales, partagées entre l’honneur et le devoir, il se fait désarmer puis recueillir par des créatures, qui choisiront de l’accompagner ou de le hanter. Tout cela entre dans un bloc d’épreuves, propice afin de justifier la quête initiatique de toutes les tentations. Il possède un fardeau aussi lourd et tranchant qu’une hache, mais possède toutefois une âme forte et humaine, sur qui l’on pourra superposer la poésie qui transcende son aventure. Sa rencontre avec un hôte qui donne le bon change, le Lord Bertilak (Joel Edgerton), bouleversera alors une bonne partie de son périple, la veille de son paroxysme. La Lady de ces lieux, dont Alicia Vikander interprète le rôle avec envoûtement, en plus de campé la conquête du héros avant son départ, Essel, apporte également une nouvelle couche de réflexion, sans oublier l’enjeu vital qui préoccupe l’avenir de Gauvain.
Notons toutefois que le réalisateur s’amuse à plonger certaines figures dans l’anonymat et que seuls les admirateurs des vers d’origine auront pied, dans l’identification des tous les personnages. Pourtant, c’est avec une grande sagesse et une charge émotionnelle que Lowery renvoie avec une double intensité sur son dénouement, que « The Green Knight » s’arrache une folle ambiguïté et une magnifique leçon de courage. Il serait futile de pomper l’allégresse d’un poème sans en retenir l’expérience du voyage. Et c’est ce que le réalisateur privilégie, au détriment de l’histoire et de noms qu’il efface, pour que l’on entre en symbiose avec un espoir de triomphe pour la nature humaine.