Magnifique!. Voilà un western aux chemises non repassées, et sans coups de feu!.
Sans doute très proche de la vraie vie d'alors, de ce no man's land où les pionniers défrichaient "la frontière de l'ouest". La mort à cette époque venait souvent plus souvent par derrière, d'un bon coup entre les deux oreilles, pour solde de tout compte. La loi, c'était celle des interdits majeurs: Ne pas toucher au bétail de l'autre, par exemple..
Jack London a lui aussi très bien représenté l'âpreté de la vie de pionnier, et de trappeur.
Des récits comme " l'amour de la vie", ou "construire un feu" sont dans le même ton crépusculaire de ce film étonnant. Le scénario tient en quelques lignes, mais nous tient tout le film durant vissé dans le fauteuil.
Nous redevenons des enfants, sachant à l'avance, dés le début, comment l'histoire va évoluer. Un truc de conteur sachant jouer avec son public. Et quand l'un des deux copains se demande s'ils doivent continuer à prendre des risques un jour de plus, nous avons envie, comme au spectacle de guignol, de les mettre en garde, de leur dire : "Prends l'oseille et tire toi!""
La survie, les réflexes s'y attachant, la lutte pour s'élever patiemment d'une branche à l'autre, tout en serrant les dents, est au centre de cette histoire. Celle de deux migrants. Pas des beaux cow boys élégants et séducteurs. Mais deux types trainant un passé difficile, dont quelques brides remontent parfois en confidences brèves, mais parlantes.
S'ils sont là , ce cuisinier ressemblant à un Dustin Hoffman lunaire, et un long chinois pouvant passer pour un indien, c'est poussés par le hasard et la nécessité. Ils se sont liés d'amitié et commencent à rêver d'un autre ailleurs que cette forêt humide et froide, où la chasse au castor représente la ressource.
Leur bas de laine se remplit, grâce à "une fortune de mer"....Il faut savoir forcer sa chance et prendre des risques. Et les voilà qu'ils rêvent: A un petit commerce en Californie. Et peut être bien sera t'il possible d'acheter un Hôtel s'ils parviennent à continuer leur petite affaire quelques mois encore?
On pense alors à la fable de "Pierrette et le pot au lait. "
Le lait est d'ailleurs un élément central du film.
L'essentiel, quand on fauche, c'est de pas se faire prendre.
On ne saura pas ce qui s'est passé entre le moment où l'un des deux protagonistes harcelé par un trappeur craint pour sa vie, et le moment où on le voit avec sa paire de bottes aux pieds. Une scène située au début du film et qui fait valeur de modèle pour ce qui suivra.
C'est ce genre d'omission qui donne sa grâce et son mystère au film, ayant choisi de ne pas représenter la violence en elle même, mais de la suggérer. Et cela, de bout en bout. Nous rendrons grâce au réalisateur de ce choix, à l'heure où trop de scénarios choisissent la facilité : Faire dans l'hémoglobine.
Les grands metteurs en scène préfèreront suggérer. Le choix de celui ci est encore plus minimaliste, qui préfère la gomme à l'aquarelle, pour nous projeter dans un "ailleurs" sidéral, et brut, où le silence nous remplit plus d'effroi que ne le feraient des hurlements. ,
L'ailleurs, c'est aussi cette jolie vache, aux grands yeux doux, venant de "Britanny", du Léon pour être précis. Un monde qui leur apparait fait de mystère et de richesse promise, comme le lait de ce bel animal qui sera la vedette féminine. C'est la seule vache dans cet univers âpre. Le lait qu'elle donne n'a pas la même substance qu'ailleurs.
Les gâteaux qu'on peut faire avec le lait si rare, ont un gout si extatique que les trappeurs font la queue avec leur porte monnaie en main pour en obtenir un!
Mieux que la madeleine de Proust, il parlent des saveurs perdues, et de la vieille Europe disparue. Du passé donc, mais aussi de l'avenir§ De ce qu'ils pourront gouter en terme de raffinement , si la chance se tient à leur coté.
Allez voir ce film au plus vite. Je pense pas que je pourrais manger des beignets maintenant sans penser à lui.