Avant Nicolas Duvauchelle et Marilyn Lima, ce sont Reda Kateb et Clémence Poésy qui devaient jouer les personnages principaux. Il était également question que Virginie Ledoyen et Eric Cantona soient de la partie.
Pour le réalisateur Mathias Malzieu, l’élément déclencheur essentiel a été la crue de 2016 à Paris pendant laquelle des poissons et des canards ont échoué sur les berges de la Seine. Le paysage lui est apparu magnifié, un peu comme après une tempête de neige, à la fois dangereux et poétique : la ville allait être un personnage à part entière. "Et quand un poisson-chat a été retrouvé, j’ai eu envie d’envie d’en faire une sirène. J’ai imaginé qu'elle serait la dernière des sirènes et que mon héros serait chanteur et le dernier des surprisiers. J’avais des images très fortes en tête, alors j’ai tout de suite eu envie d’écrire une vieille comédie des années 1950, romantique et décalée comme un film de Capra avec une sirène. La dichotomie même au coeur du titre Une sirène à Paris me semblait romantique. J’imaginais des scènes drôles, qui n’enlèveraient rien à la tendresse ni à la poésie, comme Gaspard dans son appartement lui préparant du poisson pané et elle faisant semblant de trouver ça bon. Ce mélange de cocasserie et de tendresse amènerait vers la comédie et soutiendrait une intrigue où les personnages sortent de leur zone de confort, donnent le meilleur d’eux-mêmes dans l’urgence, qu’ils soient envahis par leur univers ou bien en dehors de leur univers. Je voulais m'attacher à la force des personnages et susciter des émotions fortes".
Le réalisateur Mathias Malzieu a écrit les chansons, celles de Gaspard, du Flower Burger, de la rencontre, et a composé le thème de Lula avec lequel elle tue, et qui est repris dans le refrain de la chanson Une sirène à Paris. "Ensuite, j’ai écrit le thème de Miléna qui accompagne la course-poursuite. Les chansons sont utilisées comme un puzzle et donnent des éléments sur les personnages. Elles servent le film car en prenant la guitare ou le ukulélé j’ai écrit sur le passé des personnages, passé qu'ils évoquent eux-mêmes dans le film". Marilyn Lima a été séduite par la perspective de chanter car sur un précédent tournage, elle avait découvert qu'elle pouvait le faire assez bien. Mais cela restait un challenge ! Quant à Nicolas Duvauchelle, il a appris les chansons de l’album de Mathias Malzieu avec une coach. "Nous les avons enregistrées en studio. Ce n’est pas toujours simple d’interpréter les chansons d’un autre, avec par ailleurs une tonalité de voix différente de la mienne. Mais c’était génial car Mathias et moi sommes de grands amateurs de musique !"
La première chose a été d’enregistrer les chansons Une sirène à Paris et Les fils barbelés chantés au Flower Burger au début du film. Pour cela, les comédiens ont travaillé avec une prof de chant, ce qui leur a permis d’entrer dans la peau de leurs personnages : c'était une façon douce et ludique de commencer à travailler le film. Ils étaient en possession du scénario, mais le livre était un outil de préparation qui donnait une idée plus précise du rendu de l’histoire. "L’album était terminé avant notre départ en tournage : ils ont chanté toutes les chansons in en amont, et, par la suite, nous avons utilisé le playback. Pour la scène du pop-up, on a utilisé le thème du Chêne. Pour la soirée 'cendrillonesque', je voulais que ce soit Forever Forêt, un peu épique, un peu clipesque : j’avais déjà préparé les musiques ad hoc. Mais j’ai aussi travaillé avec Olivier Daliot, un compositeur extraordinaire qui a collaboré avec Joann Sfar et avec lequel j’ai pu aller vite et de manière instinctive, notamment sur l'atmosphère. Une fois tous les thèmes posés, nous avons enregistré d'autres choses, et fait des modifications jusqu'au bout", révèle Mathias Malzieu.
Pour l'actrice Marilyn Lima, avoir une queue de sirène, c’est plonger dans un autre univers ! "J’avais aussi une perruque et deux heures de maquillage par jour. J’ai passé beaucoup de temps dans la baignoire dont l’eau refroidissait rapidement et qu’il fallait réchauffer. J’y étais si souvent que je me suis habituée à vite enfiler mon costume. Dans ce contexte, je ne pouvais jouer qu’avec le haut de mon corps et l’expression de mon visage".
Cette histoire est la transposition certaine d’une grosse peine de coeur qui a meurtri le cinéaste Mathias Malzieu au point de le laisser croire qu'il ne pourrait plus tomber amoureux ou qu'il lui faudrait beaucoup de temps. "Et puis, j’ai rencontré trop tôt une jeune femme trop belle pour moi et la sirène est une métaphore de cette réalité qui enchante le réel. C’est pourquoi il m’importait d’inscrire ce conte dans un "réalisme magique" : c'est un conte, certes, qui ne se déroule pas sur une planète inconnue mais dans Paris ! En dehors de la sirène, tout peut exister, il n'y a pas d’élément surnaturel et fantastique".
Côté cinéma, les sources d’inspiration de Mathias Malzieu sont diverses, des films qui font rire aux éclats à ceux qui font sourire et offrent une empathie douce avec les personnages. "Chaplin, bien sûr, qui mélange le rire et l’émotion, et pour le charme mélancolique des histoires d'amour impossibles comme dans Les Lumières de la ville. Il y a aussi E.T. de Spielberg, Edward aux mains d'argent de Tim Burton avec cette créature différente qui peut apparaitre monstrueuse mais qui ne l'est pas, Only Lovers left Alive de Jim Jarmusch qui mêle un réalisme magique à une histoire humaine avec un personnage mythologique, Buffalo 66 de Vincent Gallo où il y a de la fragilité et des moments de grâce entre ce gars sorti de prison et cette femme qui tombent amoureux mais expriment l’inverse de ce qu'ils ressentent. Cette retenue des sentiments se retrouve dans mon film quand Gaspard veut ramener la sirène et lui dit qu'elle ne va pas lui manquer."
Pour Mathias Malzieu, les décors étaient capitaux ! Fabriquer un monde et créer une atmosphère constituent les fondations car l’espace de jeu est primordial. "Je voulais plonger dans un univers magique qui reflète l'esprit de Gaspard et des surprisiers. Son appartement ressemble à une annexe du Flower Burger à laquelle s’ajoutent des éléments propres à un célibataire avec un côté atelier d'artiste ! Comme beaucoup de scènes se déroulent dans la salle de bain, on a décidé de placer cette pièce au centre de l’appartement que je voulais petit mais suffisant pour bouger la caméra. En créant la salle de bain, je sentais progressivement Gaspard intégrer les lieux et son esprit s’animer : j’ai alors appréhendé une nouvelle partie du processus créatif que j’ignorais".
Le chef-décorateur André Fonsny et son équipe se sont plus ou moins inspirés de décors naturels et il a été nécessaire de s’y raccorder pour rendre les choses plausibles. L’extérieur et la partie restaurant ont été tournés à Paris. L’aquarium est celui du Trocadéro, dont l'équipe a juste réaménagé quelques décors, et les salles de bain ont été construites en studio pour des raisons évidentes de tournage. "Je fonctionne par dessins : les premiers sont toujours un condensé de mes idées et doivent susciter les réactions du metteur en scène. Ils servent aussi à mon équipe qui apportera la traduction concrète de ces intentions. Au début, les dessins ne sont pas précis car ils sont susceptibles de changements et doivent laisser une ouverture à toute proposition ou aménagement futur. Mathias Malzieu ne m’a jamais bridé : son interventionnisme était moteur car il était intelligent, constructif et dynamisant. Il s’est émerveillé de ce qui était produit, et son plus beau compliment a été de me dire : 'tu m’as donné ce que j’attendais et beaucoup plus'."