Années 50, une petite ville du Sud des États-Unis. Une immigrée roumaine mariée à un médecin américain croit reconnaître dans l’un des nouveaux habitants de leur petite bourgade un des soldats nazis coupable d’horribles exactions sur elle et sa famille. Elle décide alors de le kidnapper pour le faire avouer et comprendre. Un synopsis qui rappelle, de loin et par ses thématiques et son exécution, le célèbre film de Roman Polanski, « La jeune fille et la mort » avec Sigourney Weaver. Et ici le rôle principal est tenu par Noomi Rapace, ce qui continue de tisser un lien involontaire entre les deux actrices puisque cette dernière était également le personnage féminin principal de « Prometheus », le prequel à la saga « Alien » ... Justement portée par la première. Cette anecdote mise de côté, il faut avouer que le sujet de ce film à mi-chemin entre le thriller et le drame psychologique est plus qu’alléchant à défaut d’être totalement inédit (« Opération finale », « Remember » ou encore « Le médecin de famille » le prouvent). En effet, « Nos secrets bien gardés » parle d’un sujet historique à la fois passionnant et qui reste trouble et nébuleux mais dont il ne développe malheureusement pas assez les multiples et possibles ramifications sur le fond. Et c’est le principal reproche que l’on peut lui faire et qui se matérialise complètement lors du final.
Un final un peu frustrant car bien trop vite expédié et qui nous laisserait presque sur notre faim. Dommage, car l’endoctrinement et les convictions profondes des soldats nazis tout autant que leur sort et leurs éventuels regrets après la guerre promettaient des chemins narratifs intéressants. Une page de l’Histoire encore brûlante comme celle-ci à l’heure actuelle aurait donc mérité une exploration bien plus profonde. Il y a quelques bribes certes sur des sujets épineux qui sont esquissés mais on n’en saura pas beaucoup plus. En tout cas pas assez. Le réalisateur inconnu au bataillon Yuval Adler préfère se focaliser sur le suspense central de son scénario, en l’occurrence de savoir si ce nouvel arrivant est bien le bourreau et tortionnaire de l’héroïne ou si celle-ci développe une forme de folie paranoïaque. Et, à ce niveau, c’est pleinement réussi. On défie quiconque de savoir réellement laquelle des deux options (ou même une tangente) résorbera l’histoire. Le scénario est assez malin pour nous faire tanguer d’un côté puis de l’autre durant toute la durée du film, et cela à maintes reprises. De même, on peut dire que tout ce qui se passe à l’écran est crédible. Adler évite toute incohérence, invraisemblance ou situation poussive. Ce qui nous permet de vraiment adhérer à l’intrigue et rentrer dans l’histoire. Il en est de même pour les dialogues, justes, intéressants et qui vont à l’essentiel tout en étant chargés de sens.
« Nos secrets bien gardés » a le bon goût d’aller droit au but, de ne pas chercher midi à quatorze heure et de mettre directement le spectateur dans le bain. Et cela a du bon : le film est cadencé comme il faut, il ne souffre d’aucune baisse de tension ou de longueurs et il nous captive du début à la fin. Le seul hic réside donc bien dans le fait que l’aspect nazi et celui des exactions durant la guerre ne soient qu’un contexte de vengeance plutôt que le moteur de l’intrigue. Et que des digressions instructives ou réflexives sur le sujet n’aient pas été de mise. On apprécie également la reconstitution impeccable des années cinquante et l’osmose qu’il y a entre les trois acteurs principaux dans des rôles pas toujours faciles et/ou trop lisses qu’ils parviennent à humaniser. Cela montre encore une fois que Noomi Rapace sait s’adapter et jouer dans tous les genres (et même dans toutes les langues, de l’islandais au suédois en passant par l’anglais avec accent roumain!). Une bonne surprise, humble et efficace, qui remplit intelligemment et parfaitement son cahier des charges et nous fait passer un bon moment de doute et de suspense avec une toile de fond originale et intéressante.
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