Le vengeur masqué
J’aime bien l’acteur Dev Patel – Lion, Indian Palace, et surtout Slumdog Millionnaire -, j’étais assez curieux de découvrir à la fois son 1er scénario et sa 1ère réalisation – sachez qu’il a également produit ce film… le dossier de presse ne nous dit pas s’il a aussi fait la cuisine à la cantine du tournage… -. 120 minutes plus tard, je sors de la salle abasourdi par autant de violence et par la caméra hystérique qui suit le héros au plus près – c’est le mot juste -. En Inde, un jeune homme sort de prison. Il se retrouve dans un monde où règne la cupidité des chefs d'entreprise et, à l'inverse, l'érosion des valeurs spirituelles. Classique histoire de vengeance qui aurait pu tirer son originalité de son contexte et de son cadre, hélas, je ne peux constater que ce n’est qu’un avatar indien des insupportables aventures de John Wick…
Le film s’inspire de la légende de la divinité hindoue Hanuman, symbole de sagesse, de force, de courage, de dévotion et d’autodiscipline. Tel qu’il est décrit dans les épopées sanskrites du Mahabharata et du Ramayana, Hanuman le Dieu singe est le patron des lutteurs et apparaît comme un symbole de liberté. Physiquement invincible, mais profondément humain, il met en garde ses partisans contre la nature précaire d’un pouvoir débridé. En transposant cette légende dans l’Inde d’aujourd’hui, Patel introduit une dimension politique d’actualité car son héros devient une arme puissante et l’ange destructeur de la vengeance contre les dirigeants puissants et corrompus qui oppriment ceux-là mêmes qu’ils sont censés servir. Alors, résultat à l’écran, du sang, de la sueur, des larmes, des os brisés, des poursuites, pour ce film de vengeance basé sur la spiritualité et la foi… Cherchez l’erreur. Brutale, viscérale, hystérique, cette quête de justice pourrait fasciner si ce n’était filmé en permanence en gros plan – en très gros plan… en très très gros plan -, par une caméra à l’épaule surexcitée qui transforme ces deux heures en supplice. Côté décor, s’inspirant de Gotham, qui est la version obscure de New-York, Patel a créé une ville fictive, Yatana – qui signifie « vengeance » en hindi – comme le pendant obscur de Mumbaï. Les symboles ne font pas forcément dans la légèreté tout comme l’ensemble du film. Dernier point qui m’a beaucoup gêné, aucune séance en VO dans le sud ouest ?? Ce qui fait qu’on a droit à un mélange improbable entre le français et l’hindi pour les flash-backs… Ahurissant. Malgré mes réserves, cette histoire de vengeance d’une violence inouïe est beaucoup moins stupide et fade qu’un ixième avatar de John Wick.
Dev Patel ne quitte pas l’écran et réussit une performance physique hors-norme – sa ceinture noire de taekwondo l’a beaucoup aidé – sachant qu’il a assumé toutes les cascades. Il est entouré par Sikandar Kher, Pitobash, Sharlto Copley, Sobhita Dhulipala, Vipin Sharma, qui ne font pas dans la demie mesure, mais comme tout est outré dans ce récit initiatique souvent trop démonstratif mais d’une efficacité redoutable. Il faut retenir de cet énorme machin, l’engagement politique et la dénonciation des injustices de castes en Inde, des violences faites aux femmes ou aux hijras, une communauté indienne appartenant à ce qu’on appelle là-bas le troisième genre, c'est-à-dire les transgenres. Mais que de violence pour donner corps à d’aussi nobles et saines ambitions !