Depuis « Un Français », le dramaturge et réalisateur Diastème semble aussi déterminé que passionné par la résonnance politique, surtout lorsqu’il s’agit de titiller au maximum la réflexion citoyenne, à l’aube des prochaines élections présidentielles. Il en appelle ainsi aux vertus théâtrales, ainsi qu’à l’ouvrage éponyme, autobiographique et testamentaire de Stefan Zweig, au crépuscule d’un monde qui s’est fait dévorer par le nazisme. Nul besoin d’en arriver à une telle comparaison, car c’est l’inquiétude des débats et du nouveau front politique qui interpellent. Grâce aux retours précieux des journalistes d’investigation, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, le cinéaste a pu s’engouffrer dans la plus haute sphère politique, avec cohérence, mais qui exploitera davantage un ton plus romanesque, au service de ses personnages dont il serait vain de leur associer des noms connus.
Elisabeth (Léa Drucker) est à la tête de cette institution, au plus haut sommet de la chaîne de commandement. Mais alors que son mandat s’achève par un aveu d’échec, c’est un nouveau tourment qui l’obligera à confronter une réalité évidente. Manipulations et magouilles sont de mise et dorment dans un sous-texte alarmant. La démonstration de force de l’unique personne à la tête du pays ne fait pourtant pas d’elle un martyr ou d’une cible à envoyer au bûcher, car elle semble déjà condamnée. Par qui ou par quoi ? Ses faits d’armes, sa passivité, son manque d’assurance ou bien une maladie ? Tout ça à la fois, probablement. Le récit rend compte des caprices et des tensions possibles, à la veille des élections, où tout se jouera en hors-champ, car la cheffe républicaine ou ses conseillers ne peuvent rien fondamentalement changer. C’est à ce moment, que l’intrigue noircit davantage les décors, jusqu’à ce qu’ils dominent indéniablement chaque entité qui hante le palais présidentiel, qui n’est plus qu’un vestige du passé, qui n’a plus de voix ni l’élan nécessaire pour exister dans cette spirale infernale.
La montée de l’extrême-droite si lit dans les doutes et la détresse des personnages, qui s’enfoncent dans l’inconnu. La fille d’Elisabeth (Luna Lou) s’inquiète pour la santé de sa mère et par extension pour la santé de la France, étant donné qu’elle tient entre les mains une épée de Damoclès, prête à trancher sur le sort du premier tour des élections. Son autorité est en jeu et de rigueur dans les quelques échanges avec son Secrétaire Général et ami, Franck (Denis Podalydès), car à côté d’eux, se pavane un Premier ministre désabusé (Benjamin Biolay) et qui a hérité des pires bavures. L’étau se resserre donc sur ces personnages, plus qu’impliqués et questionnés sur le bon choix à faire, mais pour cela, le spectateur aura le privilège de le soupçonner. Une fin ouverte annonce une rupture avec le passé ou les liens cachés, voire platoniques. Est-ce le moment de déclarer la vérité ou de l’enterrer définitivement ? À cogiter.
Ce que « Le Monde d’hier » développe est un pouvoir mélancolique, où le thriller politique ramène souvent des éléments de vie, qui doivent être discutés. C’est n’est pas parfait, notamment par un manque de mise en scène évident, compensé par l’apport émotionnel que la compositrice Valentine Duteil tire au mieux. Le classicisme est assumé jusqu’à décider de ne pas traiter tous les enjeux qu’on aura posés. Le fossé entre le premier et le dernier rôle du chef d’État demeure superflu, en l’absence de réponses concrètes. Malgré quelques clés supplémentaires, le propos est pertinent et légitime, mais la réflexion politique fait naufrage, là où le capitaine Achab pensait enfin pouvoir soulager son esprit vengeur.