Les Ombres du Pouvoir
En 2014, j’avais été marqué par le drame politique de Diastème, Un Français qui, déjà, traité de la montée – inexorable ? -, de l’Extrême Droite. Mais cette fois-ci, le metteur en scène a choisi de se placer du côté de la politique et des institutions. Elisabeth de Raincy, Présidente de la République, a choisi de se retirer de la vie politique. À trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, elle apprend par son Secrétaire Général, Franck L’Herbier, qu’un scandale venant de l’étranger va éclabousser son successeur désigné et donner la victoire au candidat d’extrême-droite. Ils ont trois jours pour changer le cours de l’Histoire. 90 minutes glaçantes voire effrayantes qui nous en apprennent – hélas – beaucoup sur les arcanes du pouvoir ?
On ne s’étonnera pas de l’excellence de l’écriture et du réalisme des situations quand on sait que les journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, étaient à la manœuvre. L’intrigue, qui balance constamment entre thriller politique et conte moral, est diabolique et tient en haleine de bout en bout, jusqu’à nous laisser en suspend et donc plus que mal à l’aise. Ce film sur la solitude du pouvoir est crépusculaire et assez désespérant. Les personnages sont broyés par une machine qui les dépasse et ne laisse que peu d’espoir sur l’avenir de nos démocraties. Pessimisme ou lucidité ? Sans doute un mélange des deux qui ne laisse pas augurer que des jours meilleurs. La mise en scène est d’un classicisme absolu, tout en travellings et champs-contrechamps, et surtout sans l’utilisation - devenue souvent abusive - de la caméra à l’épaule. Tourné entre le château de Rambouillet et la Mairie de Rennes, le décor écrase les personnages, comme un lieu d’où toute spontanéité est bannie, où les regards sont partout, où l’Histoire vous en impose. Le quatuor à cordes composé spécialement par Valentine Duteil souligne magnifiquement les différentes scènes de sa valse triste et de ses pizzicati. Cette musique est un des atouts de ce film tout comme le casting impeccable. Un drame sur la peur de demain. Flippant.
Léa Drucker, impeccable, prisonnière d’un palais présidentiel transformé en mausolée, où elle semble le jouet des magouilles politiciennes, des coups bas, écrasée par sa désillusion personnelle et les secrets d’Etat. Face à elle, l’immense Denis Podalydès nous gratifie d’une de ses plus belles performances sur grand écran. Les autres, Alban Lenoir, Benjamin Biolay, Jacques Weber, Thierry Godard, Emma de Caunes, sont tout simplement parfaits. Un conte cruel et terrifiant sur notre système de pouvoir constamment mis à mal jusqu’à l’agonie d’un quinquennat. Toute ressemblance avec des personnages ou des faits… Intelligent, profond et d’une brûlante actualité.