On connaissait Miss Daisy et son chauffeur, on connaît désormais Miss Walberg et son chauffeur. Bien sûr, les enjeux ne sont pas les mêmes (pas question de racisme dans le film de Grégory Magne), mais le rapprochement est troublant : dans les deux cas, il s’agit pour un homme et une femme que tout oppose de surmonter leurs différences et d’apprendre à se connaître et à s’aimer. Or ce n’est pas une histoire d’amour que nous conte le cinéaste, mais la naissance et l’évolution d’une amitié qui transformera l’un comme l’autre des deux personnages.
Anne Walberg est une star dans le monde des parfums : nulle autre mieux qu’elle ne sait identifier à ce point la composition de la moindre fragrance qui lui parvient, qu’il s’agisse d’un parfum raffiné au possible ou d’une médiocre cigarette. On la consulte pour des raisons qui n’en valent pas toujours la peine. Or voilà qu’elle se heurte à un constat douloureux : la perte de son sens olfactif. De son côté, Guillaume, emmêlé dans une affaire de garde d’enfant qui l’oppose à son ex et fou d’amour pour sa fille âgée de dix ans, ne sait comment résoudre son problème financier : aussi va-t-il saisir l’occasion lorsqu’on lui propose un emploi de chauffeur trois-étoiles.
Il s’agit bien d’une comédie, non d’un de ces produits d’été aussi lourdingues que parfaitement vains, mais d’une subtile romance qui peut susciter le sourire par moments et produire parfois l’émotion. La dimension sociale est certes présente – deux milieux que tout oppose, avec la condescendance, voire le mépris dont fait preuve Miss Walberg, une femme que son statut de diva des parfums amène à toiser la terre entière –, mais c’est davantage l’aspect psychologique que l’on retient ici.
Le film, le second long-métrage de son réalisateur, Grégory Magne, vaut surtout par son casting : Emmanuelle Devos, dont on apprécie la sobriété du jeu et l’intériorisation des émotions, et surtout Grégory Montel qui incarne le chauffeur, à la fois paumé et toujours très digne. Il y a du Mr Bean chez ce dernier, d’abord par les traits physiques, mais aussi par les attitudes par moments faites à la fois de ruse et de maladresse. Et l’on s’en voudrait de ne pas évoquer cette petite perle qu’est Zélie Rixhon, une très jeune comédienne qui incarne la petite fille tant aimée du chauffeur et pour qui il est prêt à supporter toutes les vexations possibles. C’est elle qui confère au film sa dimension émotionnelle, elle autour de qui s’articulent toutes les motivations de Guillaume, son père désemparé.
De ce film que peut-on dire ? Un chef-d’œuvre ? Il n’aspire pas à ce titre. Une comédie estivale ? Il mérite beaucoup mieux que cela. Un modèle de narration ? Pas exactement, certains moments sonnant plutôt creux, d’autres au contraire d’une réelle force d’écriture. En tout cas, un film qui ne laisse pas indifférent, tant par l’originalité de son sujet que par la mise en place de personnages attachants. On attend le troisième film de son auteur : en tout cas, on peut d’ores et déjà voir en Grégory Magne un cinéaste de la trempe de Pierre Salvadori, ce qui n’est pas peu dire.