David Gordon Green nous avait déjà régalé trois ans plus tôt avec une relecture plaisante des codes de Carpenter. Aujourd’hui, c’est à la fois une sacralisation de l’œuvre d’origine, fêtant son quarantième anniversaire, et une transition vers une trilogie du chaos. C’est notamment le terme qui se répète comme un refrain absurde, mais surtout régressif. L’ouverture offerte par le précédent volet se trouve encore ligotée dans une cage de fan-services, bienvenus dans une certaine proportion. Mais pourquoi ? Micheal Myers survie à la franchise, car fascine dans la mesure où son incarnation du mal ne fait plus aucun doute, avant qu’il ne devienne la marionnette de séries B, plus ou moins convaincantes. Ce boogeyman masqué est entré chez Blumhouse avec une belle promesse, mais le résultat veut que cette nuit interminable prolonge les mises à mort, de plus en plus ludiques. Au passage, la narration se heurte non pas à une milice de guerriers apeurés, mais à sa propre perspective, naïve et paresseuse dans l’ensemble.
On démarre avec une double introduction, d’abord illustrée puis contée, qui ne cesse de bâtir des ponts avec le passé. Et la confusion commence au même endroit, où l’on ne sait pas s’il faut interpréter cela comme un hommage, un filon au service de l’intrigue ou une exploitation désabusée d’une saga qui n’aurait plus rien à raconter. Le cinéaste, pendant tout le long-métrage, ne tranche jamais et préfère mixer le tout, à l’image d’un Myers excessivement aiguisé. Mais c’est un plaisir à prendre avec cette régression jubilatoire, qui est au diapason de la chaîne d’exploitation. Les amateurs de spectacles graphiquement sanglants ne seront pas déçus, mais il est évident de constater une perte d’efficacité cruciale dans ces massacres, sans âme ni haine. Les victimes constituent un éventail sociétal, qui se raccorde avec le concept de cet épisode, revisitant le home invasion et réduisant au silence les « parias ».
Et des nouvelles de la dream team des Strode ? Jamie Lee Curtis est en gestation, car cet arc ne lui est pas consacré, ni dédié. Elle n’est qu’une ombre et cela se comprend fatalement, lorsque c’est l’héritage de Laurie qui est au premier plan. Mais une fois encore, c’est maladroit et confus, jusqu’au dénouement, qui bouillonne par instant de bonnes intentions, sans non plus prétendre à rendre subversive la peur ou la folie d’une communauté enragée. Pourtant, le sujet passionne, mais ne trouve jamais la place ou le ton pour se révéler pertinent. Pendant ce temps, Myers redore les codes du slashers, avec une honnêteté sans faille. Mais la froideur de certaines scènes questionne sur le format tragique et graphique, qui ne font pas bon ménage. Puis vient le temps du refrain, qui répète, avec une voix-off désincarnée, ce que l’on connaît que trop bien et n’ose pas pousser les curseurs au maximum, aux risques d’y laisser une blessure, qui n’est rien à côté du chamboule-tout qui nous est proposé.
Là où le cinéaste a su ressusciter la curiosité et la terreur du boogeyman, ce « Halloween Kills » s’emmêle entre deux saucissons de cadavres. Le film est inégal sur de nombreux points, mais ne boude pas son plaisir de décorer son cadre avec de la viande fraîche et des boyaux à ne plus savoir quoi en faire. Nous sommes cependant dans une modération tenue plus réconfortante que le carnage de Rob Zombie, mais que dire si l’on ne passait pas son temps à tourner en rond, au lieu d’avancer, une fois pour toutes ? La tension se révèle donc étouffée par la frustration d’un rendez-vous manqué, alors que l’on approche du chapitre final.