Évidemment, cette histoire de photographe qui part révéler le scandale de l'empoisonnement de toute une population japonaise au mercure par une grosse entreprise rappelle Erin Brokovich avec Julia Roberts (et le récent Dark Waters avec Mark Ruffalo). Mais en sommes-nous lassé pour autant ? Non. Car on a beau se sentir rôdé, on n'est jamais prêt à faire face à ces réelles images d'archives terrifiantes, glaçantes, bouleversantes (on en avait les yeux embrumés et la boule au ventre) d'enfants difformes, de chats qui se fracassent la tête contre leur cage, de mains tordues comme des arbres noueux... Rien qu'à l'évocation de ces difficiles passages du film (ceux où il décide de stopper la fiction pour nous mettre le nez dans les images réelles), on tire sur notre col, mal à l'aise, et c'est exactement ce que Minamata veut. Pour que l'on se sente concernés par la catastrophe qui se passe à l'autre bout du monde, qui est tue à grands renforts de pots de vins, pour que l'on n'oublie pas ces enfants perdus... Dans le rôle du photographe alcoolique et ronchon, Johnny Depp excelle, et revient en force après un passage à vide qui a duré trop longtemps (à notre goût, quand on connaît le talent du bonhomme). On ne peut que remarquer aussi tout l'amour que le film porte à l'art photographique, filmé presque comme une belle amante de sa "remplaçante" la caméra, tant les plans qui y sont consacrés sont beaux. On a bien envie de ressortir le vieil appareil argentique... Le rythme est excellent, on adore retrouver Hiroyuki Sanada (vous l'aurez certainement vu dans un second rôle de gros blockbusters hollywoodiens, ici on aime le voir un peu plus en tant que rôle majeur) et le générique de fin nous a achevé quand à la tristesse infinie : pour montrer que le problème n'est pas résolu, quoi de plus percutant que de l'étendre à l'échelle mondiale et montrer toutes les plus grandes pollutions mortelles créées par l'Homme... Une histoire vraie qui a réussi parfaitement à éviter la redite (le piège pour ce thème déjà exploité) et a été une découverte totale. Minamata nous a embarqué du début à la fin, très bien interprétée et avec des photos d'archives glaçantes.
Vous n'avez peut-être pas entendu parler de la maladie de Minamata, mais vous avez surement vu la photo "Le Bain de Tomoko" qui représente le combat des habitants de la baie pour se faire entendre afin que la maladie soit reconnue pour que les coupables payent et qu'eux soient indemnisés. Ces derniers, qui ont durement été touchés par la pollution suite à la présence de résidus de mercure dans l'eau, comptaient sur le célèbre photojournaliste pour faire entendre leur voix étant donné qu'ils n'avaient aucun support au Japon. "Minamata" revient sur ce combat et sur l'histoire de cette photo qui est d'une rare puissance. Andrew Levitas dresse également le portrait de Gene Smith, un homme torturé qui se retrouve là un peu par hasard, mais qui va mener à bien sa mission. En faisant ça, le réalisateur s'éloigne un peu du sujet de base qui est pourtant ce qu'il y a de plus intéressant dans le film. Tout n'est pas indispensable dans ce film, mais il y a des scènes extrêmement fortes. Et même s'il s'agit d'une vieille histoire, elle mérite d'être racontée surtout que des personnes souffrent encore et que tout le monde n'a pas pris ses responsabilités dans cette affaire. Cette histoire aurait mérité un traitement plus centré sur les faits, mais "Minamata" est tout de même un bon film avec un Johnny Depp convaincant.
Compte tenu des premières critiques dithyrambiques je m attendais un un excellent film. On ne peut dénier le souci du détail et du témoignage de la catastrophe de Minamata, ainsi que de d illustrer le parcours de ce photographe de génie, le résultat m apparaît assez convenu et conventionnel. Chacun fait son job, on a un bon film qui retrace des événements, J. Depp fait également une bonne interprétation, mais on va dire que ça manque d épaisseur et d émotions... si on veut voir un "documentaire" why not ? Si on pense voir un grand film ... j ai plus de réserves ...
Minamata a plusieurs mérites, dont le premier est de rappeler l’importance de la photographie pour extraire une injustice de son pays et le diffuser au monde entier, dans une époque qui ne connaît pas encore les technologies numériques contemporaines. Ladite photographie relève ici non du voyeurisme mais d’un art revendiqué comme empathique, seul à même de connecter des individus différents ayant pourtant en commun leur humanité. Le film insiste sur le processus de construction d’un point de vue, antérieur au développement de la photographie, et investit un scandale industriel par le biais de l’intime, du négatif qu’il faut exploiter selon des conditions particulières pour donner vie à une image. La commande que doit exécuter Smith mute en mission qu’il mène contre vents et marées, bravant les autorités japonaises au péril de sa santé. Nous regretterons alors que l’écriture des personnages tombe à ce point dans le cliché qu’il empêche toute opacité intérieure : le photographe interprété par Johnny Depp est réduit à un alcoolisme qui semble définir les rôles de l’acteur depuis peu – pensons à The Professor de Wayne Roberts (2019) ou au dernier volet des aventures de Jack Sparrow. Sa relation avec Aileen s’avère prévisible et condamne la femme à une caractérisation facile, presque anachronique, aimantée par la vie conjugale qu’elle partagera avec Smith suite à cette affaire. La réalisation d’Andrew Levitas s’enivre d’une esthétisation impersonnelle qui échoue à épouser la simplicité de l’engagement du photographe dans une cause qui le dépasse. En résulte un long métrage mineur, instructif et correctement interprété, mais qui n’atteint jamais la force et la rigueur du récent Dark Waters (2019) signé Todd Haynes.
Pour une fois que je vois Depp dans un rôle plus "sérieux". Je trouve vraiment que il joue très très bien. La production a elle aussi livré un beau résultat.