Quel drôle de loustic anachronique ce Patrick Lussier !
Pour tous ceux ayant grandi avec la vague des néo-slashers de la fin des années 90/début des années 2000, le nom du Canadien reste à jamais associé dans les mémoires aux génériques de la saga "Scream" où il officiait en tant que monteur attitré de Wes Craven et de quelques autres incontournables de l'époque ("Halloween 20 après" par exemple). Se sentant pousser des ailes par tous les succès auxquels il participait dans l'ombre, le bonhomme décida ensuite d'écrire et mettre en scène ses propres longs-métrages. Problème, du haut de ses nouvelles responsabilités, le pauvre Patrick Lussier se mit à enchaîner les œuvres mediocres ou, au mieux, très moyennes avec les années (il aura d'ailleurs débuté fort avec "Dracula 2001", ce bougre !) et finit par se bâtir vite une réputation de tâcheron du genre, juste bon à délivrer quelques plaisirs coupables de fin de soirée. Cependant, même si, au final, sa carrière n'est toujours pas très reluisante (au cinéma, son dernier fait d'armes est d'avoir coécrit le très gênant "Terminator Genisys", c'est dire !), difficile de nier l'amour sincère qu'a Lussier pour l'horreur, surtout par sa persévérance dans ce domaine où on le retrouve à nouveau aujourd'hui avec son complice scénariste Todd Farmer pour ce "Trick" voulant défier le temps.
En effet, cela se ressent encore en 2019 : Lussier n'aura jamais vraiment tiré un trait sur l'époque faste des néo-slashers où il est "né", du moins, par son cinéma paraissant à jamais figé dans une esthétique 90's/2000's. Toutefois, à bien observer la deuxième partie de sa filmographie, on remarque quand même une légère inclinaison du cinéaste à tourner de plus en plus son regard vers les 80's et leur folie douce à travers des projets comme le remake "Meurtres à la Saint-Valentin 3D" ou l'improbable "Hell Driver"...
Avec "Trick", Patrick Lussier nous convoque une nouvelle fois à un slasher au formalisme toujours très ancré dans sa période phare (les présences d'Omar Epps et de Jamie Kennedy, tous deux acteurs dans les premiers "Scream", sonnent comme une confirmation de son éternel blocage sur ces années-là) mais qui va aussi lorgner vers des temps plus anciens où l'on n'avait pas pas peur de faire jaillir le sang et d'empiler une multitude des cadavres (le vétéran Tom Adkins dont le visage a traversé tout un pan du cinéma d'horreur, de "Fog" à "Maniac Cop", en devient de facto le parfait symbole).
Grosso modo, on peut décomposer "Trick" en trois phases à la qualité plus qu'aléatoire.
La première partie est celle qui nous surprend le plus agréablement en nous introduisant au mode opératoire plus que brutal de son tueur. Imaginez une sorte de Michael Myers qui se serait éveillé à l'adolescence mais qui, lui, aurait vite continué son "œuvre" avant l'âge adulte et vous aurez une idée de ce à quoi ressemble Trick, un assassin particulièrement hargneux et enchaînant les massacres avec un dévouement professionnel qui fait plaisir à voir ! On se surprend à suivre ces présentations sanglantes avec un sourire régressif, comme emporté par cette approche toute bête et brute de décoffrage de slasher finalement devenue très rare de nos jours.
Le souci c'est que, lors de la deuxième phase nous laissant aux portes de Halloween 2019, Lussier va vouloir se retrousser les manches afin de complexifier un peu la donne et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est vraiment pas doué pour ça. En tentant de développer ce qui gravite autour de ce tueur (l'obsession d'un policier à son égard, ceux qui lui ont survécu, etc), lui donner une autre dimension (ratée) et même le pousser à des meurtres plus élaborés (il se fatigue beaucoup pour pas grand chose), "Trick" s'enferme dans la répétition ennuyeuse et perd complètement de vue la simplicité des premiers instants qui faisait sa force.
Quand vient le temps du dernier grand carnage, le film va être écartelé entre ces deux directions prises : d'un côté, il retourne vers son approche la plus efficace pour enchaîner la distribution de coups de couteaux dans une profusion qui frise l'hécatombe et, de l'autre, Patrick Lussier va encore se croire plus malin qu'il ne l'est en sortant la carte de révélations franchement miteuses. Dans le fond, la teneur de l'idée qui gouverne ces dernières n'était pas si stupide mais tout ce qui l'amène ou la justifie l'est par contre en permanence, handicapé par une qualité d'écriture bien trop lamentable pour nous y faire croire ou nous surprendre (sans compter le jeu vraiment gênant de certains acteurs, la final girl Kristina Reyes en en tête !).
Entre le vrai plaisir coupable d'assister à un slasher d'un autre temps voulant décimer joyeusement le plus de personnages possibles et un scénario profondément idiot sur à peu près tout le reste, "Trick" est un petit film d'horreur sans doute destiné à rester dans l'anonymat qui lui colle déjà à la peau mais il est fort à parier que ceux regardant l'époque des néo-slashers avec nostalgie y trouveront de la matière pour s'amuser. Patrick Lussier n'est peut-être pas le meilleur au monde pour insuffler de l'intelligence à une histoire mais il aime autant le genre que nous, on ne peut pas lui enlever ça...