Réalisé en 1984, ce film met donc en scène un enfant candide et innocent qui va rejoindre la résistance, sans véritablement savoir ce que ça signifie par ailleurs, et qui va vite perdre ses illusions face à la réalité d'un conflit qui n'est jamais mis en scène. Film de guerre sans bataille, REQUIEM POUR UN MASSACRE est surtout un devoir de mémoire, une volonté de restituer l'horreur et l'absurdité d'un conflit, l'ignominie des SS autant que l'incompréhension de la population via une mise en scène efficace et surprenante.
Surprenante en effet car il faut avouer que l'identité visuelle du film passe par un abus de gros plan face caméra. C'est comme ça, il faut s'y faire. Les états d'âmes sont ainsi tous traduit par un jeu qui se borne qu'au visage, ce dernier ne manquera pas d'être altéré au fur et à mesure du récit, Fliora passant l'un après l'autre des degrés dans l'horreur faisant disparaître l'enfance au profit de stigmates. La déshumanisation est en marche.
Passer cet idée de mise en scène, il faut admettre qu'il y a une maestria dans ce récit que ce soit dans l'imagerie (quand le héros comprend que sa famille a du se faire massacrer simplement en voyant les poupées de ses sœurs alignées comme dans un charnier ou ces soldats qui sortent de la pénombre par centaine), les effets sonores (l'acouphène après le bombardement est une idée géniale qui sera reprise bien plus tard par Spielberg dans son Munich par exemple ou le son de l'avion allemand qui revient fréquemment, épée de Damoclès qui pèse sur la population biélorusse), ou par la sobriété de la réalisation.
A ce sens, il faut voir la scène dans le village de Traverse pour comprendre la cruauté SS, voir à quel point ils furent abjectes, et se dire qu'une heure avant, le héros dansait sous la pluie dans une scène idyllique.
Cette scène de pogrom est le point culminant de la descente aux enfers de Fliora. Descente inéluctable pour cet enfant qui semble poussé par la caméra dans les pires souffrances afin que son innocence et son humanité lui soit ôtés. Ce n'est qu'après tout ceci qu'il pourra se servir de son arme en vidant son chargeur sur un portrait d'Hitler alors que , façon certes un peu grossière de faire passer son message mais il faut se souvenir que ce film date de 1984 et qu'il renvoi à toute une industrie cinématographique russe qui, depuis Eisentein, use de ces procédés.
Expérience visuelle et émotionnel, ce film est nous met face à aux pires exactions commises par des hommes sur ses semblables et, sans jamais tomber dans la pathétique ou la propagande, Elem Klimov réalise ici un oeuvre puissante, poignante qui immortalise les blessures de la Biélorussie autant qu'elle lui permet d'exorciser ses démons, souvenir de la bataille de Stalingrad qu'il dut fuir alors qu'il n'avait que 9 ans.