"Idi i smotri" fait parti des très rares films de guerre traitant ce sujet dans une démarche véritablement artistique. Loin du sensationnalisme ou du spectacle guerrier propagandiste, Elem Klimov a très certainement réalisé là LE chef d'oeuvre du genre. Bien que le propos soit très fort et terrifiant (atrocités commises par les nazis dans les villages de Biélorussie) et que ce qui nous est raconté est humainement éprouvant et insoutenable; la force du film, ce qui nous marque le plus, réside principalement dans l'atmosphère que parvient à créer Klimov. Et si cette atmosphère est si prenante, si fascinante, c'est parcequ'elle est le résultat d'un travail cinématographique remarquable. Mélange d'expressionisme et d'impressionnisme, d'approche naturaliste et onirique (voire symbolique), il se dégage de cette représentation de l'horreur une poésie visuelle de chaque instant. Le lyrisme de la mise en scène, rendu par de longs plans séquences virtuoses, une superbe photographie aux teintes légèrement sépia, et, surtout, un travail absolument exceptionnel sur le son, permet de percevoir tous les évènements du point de vue de l'enfant, de voir le film à travers le prisme de ses sens. Plus le film avance, plus le décalage entre les évènements et la manière dont ils sont percus par la caméra (et donc par nous) devient important. Notre poitrine se resserre, l'absurde nous marche sur les pieds, mais c'est si beau, si fort, qu'on ne veut pas quitter cet état, ces sensations, malgré le malaise qu'elles provoquent. Les visages des protagonistes deviennent de véritables tableaux expressionistes, effrayants, sur lesquels sont peints par couches successives la souffrance et l'horreur. La célèbre scène finale constituée d'images d'archives montrées en retour accéléré, nous laisse tendu comme un arc, le souffle coupé, avant que la caméra ne décide finalement de s'égarer dans la forêt au terme d'un ultime et très beau plan séquence. Remarquable.