Neil Marshall fait partie de ces cinéastes inclassables, qui touchent à tout et dont on serait bien en peine de dégager un motif précis : une référence du Survival a été suivi par un péplum violent, un zombie-flick punk déchaîné et un film de super héros décrié mais qui avait ses défenseurs. A chaque fois, on y décèle des caractéristiques, jamais les mêmes, qui font de Marshall un curieux hybride de petit prodige injustement sous-estimé et de tâcheron sans scrupules qui aurait certaineùet pris son pied dans le Bis-européen des années 70 comme un sanglier dans sa souille. Avec ‘Sorcière’, pour lequel Marshall s’inscrit avec Charlotte Kirk dans la même relation de muse à pygmalion que Paul W.S. Anderson et Milla Jovovich, on est à nouveau en plein dans cette étrange dualité. Précisons que ‘Sorcière’ est intelligemment opportuniste: quand on parle d’un abus de pouvoir du patriarcat (qui, ici, sort l’accusation de sorcellerie pour cause de conflit foncier et de concupiscence inassouvie), il est inutile de préciser qu’on parle aussi du monde contemporain et quand on plante le cadre dans un petit village anglais de 1665 confiné par la peste, on fait exactement pareil. Si ‘Sorcière’ n’avait visiblement pas beaucoup de moyens à sa disposition, sa qualité visuelle est bluffante : les images sont magnifiques, l’atmosphère se déploie majestueusement avec trois fois rien et Neil Marshall se met quasiment à la hauteur de ces jeunes réalisateurs de genre qui ne jurent que par les images léchées, les cadrages sophistiqués...sauf qu’au lieu de faire dans l’implicite, la métaphore et le regard subjective, Marshall se jette à corps perdu dans ses délires bisseux : il accumule avec complaisance les séquences-chocs (pestiférés suppurants, cadavre déterré, images fugaces du Malin histoire de maintenir un doute raisonnable sur la véracité des accusations,...) et se fait carrément pipi dessus lorsqu’il en arrive au vif du sujet : le procès et les tortures hideuses dont sera victime cinq jours durant la sorcière suspectée (qui se vengera, pas de panique mais pas avec des maléfices : rien ne vaut un bon coup de mousquet ou de rapière). Tout cela est par moment bien crade mais encore une fois, c’est remarquablement filmé, ni trop frontal ni trop suggestif. C’était pour la bonne cause, sans doute, mais Marshall a pris un plaisir évident à mettre les mains dans le cambouis. Foncièrement, ça ne me déplaît pas du tout, cette volonté de ne pas se retrancher derrière une pseudo-éthique pleine de lâcheté. Dans le cas présent, la rencontre du fond et de la forme, en général pas vraiment faits pour s’entendre, fait l’effet d’une douche écossaise….et d’ailleurs, c’est très bien : même si ‘Sorcière’ n’a en fin de compte rien de vraiment extraordinaire, c’est l’un de ces films dont je me souviendrai encore dans quelques années.