Assez calme en-dehors de ses scènes d'action (et non, cette phrase n'est pas contradictoire), Equilibrium se donne des airs de ne pas y toucher. Ses personnages ont la classe, son monde dystopique est assez monotone - agréable, mais typique. Il ne joue pas l'effet de surprise, nous laisse au global le temps de s'adapter. Et il y a de quoi perdre pied pendant les premières séquences de plantage de décor, avec cette représentation du futur, bienheureusement dépourvu de guerre, dont on va découvrir qu'il est aussi dépourvu d'émotions en tous genres. Ce n'est pas particulièrement une ambiance oppressante mais elle se situe quand même sur une frontière ambiguë à cause de cet aspect profondément inhumain, cette privation de notre nature la plus primaire.
C'est le début d'une mise en abyme stupéfiante : le traitement de l'absence de l'art par l'art. Car le film est éminemment artistique et se plaît à mettre sens dessus dessous les préjugés ; dans l'histoire, il ne faut pas perdre de vue que les terroristes sont les alliés de l'art. Et dans un scénario qui se veut réaliste quoique futuriste, c'est un choc de découvrir en eux des "gentils". Il y a aussi le Prozium, cette drogue responsable de la fin de toutes les guerres. On pourrait considérer comme inutilement matériel de mettre cette responsabilité sur le dos d'une substance, mais c'est tellement artificiel que cela produit l'effet inverse, un second choc et l'envie de se dire "bon sang mais c'est bien sûr".
L'histoire a vu juste, et la forme lui rend honneur. Mais quelle idée, par contre, d'avoir fait autant de scènes de combat ? Deux suffisaient, mais il y en a beaucoup plus, qui donnent à l'oeuvre des airs de film d'action bien trompeurs. Le film se corrompt dans cet univers violent qui ne lui correspond pas, d'autant qu'il ne laisse aucune place aux bénéfices réels du Prozium, comme si depuis longtemps les terroristes, les défenseurs de l'art et des émotions, étaient amener à gagner cette lutte. C'est encore sans parler de la justification à ces scènes : les "anti-terroristes", une milice d'ecclésiastes bad ass et froids comme la mort, maîtrisent en effet une sorte d'art martial des armes à feu, leur permettant de gagner n'importe quel combat par la maîtrise des statistiques et probabilités. Idiot. Pour bien décrire Equilibrium, on est obligé d'en parler comme d'un Matrix artistique et philosophique... Des adjectifs honorables pour une comparaison imméritée.
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