Le mieux pour ne pas être déçu par La daronne, c'est de ne pas en attendre beaucoup, eu égard au CV de son réalisateur, Jean-Paul Salomé, qui d'Arsène Lupin aux Femmes de l'ombre n'a jamais eu d'autre but que d'illustrer sans ambition particulière les scénarios dont il disposait. Gros succès de librairie, La daronne exploite sans états d'âme certains clichés communautaires (arabes, asiatiques) en se fichant de la morale et, ma foi, en ces temps frileux où le politiquement correct est de rigueur, on l'en remercierait plutôt. Ne pas chercher le réalisme dans cette œuvre tiraillée entre plusieurs courants (y compris sentimental avec la mère de l'héroïne, mais aussi social) où le thriller et la comédie de mœurs se complètent dans un tempo relativement rapide, suffisamment pour qu'on n'ait pas le temps de s'ennuyer, ce qui est déjà appréciable. Qui plus est, dans cette histoire, c'est une femme qui malmène les hommes, qu'ils soient flics ou voyous, et la chose est forcément jubilatoire. Malgré le talent d'Hippolyte Girardot et de quelques seconds rôles croustillants (mais trop peu présents), le film est largement dominé par la prestance et l'abattage d'une Isabelle Huppert en forme olympique. Si elle n'est pas une reine du comique, on le savait déjà, elle montre une variété de jeu impressionnante, n'hésitant pas à forcer le trait, mais avec élégance, quand nécessaire. Il est un peu dommage qu'elle ait parfois des dialogues insipides à servir, elle n'y est pour rien, mais elle phagocyte l'attention et l'écran, comme dans ses rôles les plus dramatiques et sombres. On pourrait lui demander de dire "passe-moi le sel' qu'elle démontrerait encore son génie d'actrice, n'en déplaise à ses contempteurs, qu'ils soient Prix Renaudot, ou pas.