Il y a 15 ans, je découvrais totalement par hasard, aux débuts de Dailymotion et YouTube, un petit court métrage intitulé le Visiteur du Futur, très amusant, réalisé par Raphaël Descraques et Florent Dorin. Deux minutes adorées par le public, qui ont poussé les créateurs à réaliser un deuxième épisode, puis un troisième, etc. Jusqu'à aboutir à 4 saisons inégales et un roman (La Meute) très sympathique.
Pyramide Prod a choisi de faire confiance à la même équipe pour la réalisation d'un long métrage, près de 10 ans après la dernière saison, un sacré pari a priori perdant d'avance, tant la série a fini oubliée de tous et toutes, sauf de ses fans de la première heure, dont je fais partie. Nul doute que la majorité d'entre vous n'en aviez même encore jamais entendu parler avant ce soir. Et c'est parti pour un film de SF au budget dérisoire de 4,5 millions, qu'est-ce qui pouvait mal se passer ?
A vrai dire, tout laissait transpirer la crainte avant le visionnage, d'autant que le film, sorti il y a 5 mois, n'a pas rencontré le succès escompté (à peine 300.000 entrées), malgré d'excellentes critiques générales. Au final, je suis enchanté de ce que je viens de voir. Sans être non plus dithyrambique, car le film n'invente rien, il est la preuve, s'il en était encore nécessaire, que le cinéma est avant tout l'affaire de passionnés.
N'y allons pas par quatre chemins, le Visiteur du Futur c'est le meilleur film de SF du cinéma français moderne, ni plus ni moins. Le budget restreint se ressent dans le choix de plans en intérieur nombreux, sans effet de style, mais ça transpire la sincérité de partout, l'envie de bien faire, mais surtout, le long métrage évite l'écueil des adaptations cinématographiques des séries : le fan service. Disons-le, le film est totalement accessible à qui ne connaîtrait pas l'univers.
Fait touchant, Raphaël Descraques, son réalisateur, a choisi de mettre totalement au second plan les personnages principaux de la série, au profit d'une héroïne campée par Enya Baroux, et son père, interprété par le sympathique Arnaud Ducret. Une volonté non pas d'adapter le matériau de base à l'écran, mais de raconter une histoire, une vraie histoire.
C'est drôle, c'est étonnement beau, parfois sacrément touchant, et c'est une leçon dont le cinéma français devrait s'inspirer à l'avenir. La SF n'est pas morte en France et notre passé avec ce genre dévoyé devrait en être l'évidente preuve. Il est possible de faire beaucoup avec peu, de proposer des modèles de financement bien plus éthiques et moins scandaleux qu'aujourd'hui (coucou Guillaume Canet et son cachet d'1 million d'euros pour la farce navrante qu'est le dernier Astérix), mais surtout, il est temps que la génération ronronante de dinosaures laisse enfin sa place.
Les figures françaises connues du 7e art sont ringardisées par l'ingéniosité de cette petite équipe d'amateurs, tout comme elles sont ringardisées par la nouvelle Nouvelle Vague portée sur ses épaules par une Céline Sciamma en état de grâce, dont le point commun avec le Visiteur du Futur est cette compréhension absolue du médium qu'elle utilise : l'image.
Quand on pense aux désastres politiques que sont les Bac Nord ou Athena, l'incapacité à comprendre l'enjeu de ce que l'image impose à notre imaginaire, on ne peut que regretter qu'il faille systématiquement chercher dans les plus petite salles, les preuves de notre savoir faire en matière de cinéma. Nous avons les auteurs et les autrices les plus sincères dans leur travail, il est grand temps qu'une page se tourne et qu'on leur laisse définitivement la place, pour qu'à l'instar des années 60, l'inspiration de nos réalisateurs et réalisatrices rappellent au monde entier pourquoi la Nouvelle Vague a été aussi essentielle dans l'histoire des arts.
Le Visiteur du Futur, c'est un film imparfait mais si naïf et honnête, qu'on lui pardonne tout. Le travail d'une équipe qui aime se retrouver, travailler ensemble, sans oublier l'élément essentiel de leur objet : le public.
A l'heure où les plateformes de Streaming ont trouvé une formule telle qu'il est impossible de produire encore de mauvais films ou séries, Raphaël Descraques se refuse à toute formule et revient aux fondamentaux : raconter une histoire, décider d'une ligne directrice, imposer sa vision à sa production, et foncer tout droit, quitte à prendre des risques. C'est payant. C'est enthousiasmant à souhaits. Et ça donne confiance en l'avenir.