Critique du film-Ocean's eleven
Ocean's eleven ou quand la technicité ne suffit pas.
Suivre les règles scénaristiques à la règle ne produit simplement une histoire cohérente. Mais une histoire cohérente, ce n'est pas un bon scénario...
[Ce qui est génant dans ce film, c'est sa pure forme de divertissement, son oublie total de l'art, son laissé aller complet qui empeche un réel divertissement (excepté qu'on ait rien vu d'un peu similaire avant).]
En effet, heureusement, cela ne marche pas comme ca, les règles sont un modèle à suivre pour gérer un plan lorseque l'on est perdu, elles sont une structure, un mode d'emploi. Mais ce mode d'emploi doit être au préalable animé de vie, d'âme, d'une force, d'un spitiritualité. Il doit être alimenté d'un propos. C'est cela, un scénario. C'est ce qui fait qu'on aime un film, ce n'est pas sa forme et son fond. Si le fond est brouillon, alors prenons certaines règles pour bien le former, la forme sera alors défendu, animé par une énergie folle. Mais les règles scénaristiques, cinématographique-et même la technique dans l'art-ne doivent pas devenir une règle de réussite elles mêmes, elles ne sont qu'un pont vers un succès, une performance de ce qui s'est déjà plus ou moins fait, une organisation du bordel, un rassemblement des éléments éparpillés, dissociés. Elles ne sont qu'un moyen, pas une fin. Elles doivent permettre d'atteindre le film parfait, réussi...impécable en somme. Elles sont faites pour réussir, elles sont complémentaires, elles sont un outil, pas le film, pas la raison de la réussite du film, pas l'essence de l'oeuvre d'art. Juste la couche de la substance, qui ne fait pas partie de la substance. Les règles sont une sorte de nappage, de contour, d'affinement, au mieux la forme, mais pas le goût de la substance. Ici, on assiste à une démocratisation et une liberté totale dévouée aux règles scénaristiques, et ca c'est dangereux. Car dans ce film, seules les règles sont prises comme critère suprême, comme facteur royal primant, controlant et organisant les autres critères et le reste de manière générale. Car l'erreur suprême dans ce film, c'est d'avoir pris pour ces règles comme la norme sur laquelle devait se régler le film, et cela c'est précisement le contraire d'une possible liberté d'expression artistique, d'une originalité et même pire : d'une docilité de l'auteur à ce que veut le spectateur, l'ouverture à un classicisme total...
Rapidement, le film est vraiment bien construit, les répliques rapides, efficaces, dosées (par là j'entends ni une de trop ni une de moins), la structure narrative est forte, bien foutue, bien monté en puissance, les chronos respectés, le temps et la présentation de chaque personnage parfaitement organisé, tout est en définitive...parfaitement bien agencé. Seulement voila, c'est justement à cause de toutes ces petites perfections, ces petites gloires dont il peut se satisfaire, que le film rate sa cible, que le film se rate totalement. Et c'est aussi pour ca qu'il rétablit un équilibre, que l'on ne peut pas dire que c'était un mauvais film, car il atteind une nouvelle forme de divertissement.
Effectivement, le film ne donne que des écrans de fumées, des hallucinogènes presque. Mais rien de consistant, rien de désinvolte ou d'excessifs, rien qui ne soit un peu signe de folie, de paleur, de dinguerie, de risque, d'étonnement...bref rien d'artiste quoi ! Il n'y a que des faux effets, des effets qui n'ont aucun sens puisqu'ils sont des moyens et ils sont simplement ici pris comme fin. Ils n'ont rien pour les accompagner, ils s'accompganent eux même. Sachant que normalement ils sont censé accompagné la substance du film, ils sont censé lui faire prendre une forme parfaite comme dit au début. Mais ici il n'y a que ca : des règles techniques par ci, des règles techniques par là. Mais qu'est ce qu'on s'en fout ? C'est justement parce que le film est bien construit, que la structure narrative est forte, bien foutue etc, que le film n'arrive à rien. Ce film n'a aucune âme. Il n'est pas étonnant qu'il ait été une commande reçue par Soderbergh, il n'y a pas eu de volonté jaillissante de la part de l'artiste, juste la vague envie de raconter l'histoire d'un braquage. Et je comprends que cela soit excitant mais ce n'est pas le propre d'un film, ca ne donne précisement pas de propos. Et qu'est ce que cela donne comme conséquences : le film n'a aucune vie, les personnages ne semble même pas réellement liés, ni même très vivant, ils sont tous pathétiques, lents, mous, on se fiche presque de savoir si il-danny ocean-va retrouver sa femme. Rien ne fonctionne dans le fond, tout marche dans la forme...voilà le problème du film, voila ce qui coince :/
Le film n'est fait que de règles presque (pas réellement on reviendra dessus dans la partie suivante). Un film comme "Sexe, mensonge et vidéo" du même réalisateur (et même scénariste cette fois) est totalement le contraire ! Un film totalement désinvolte de talent. Un film qui casse les règles pour mieux montrer à quel point on peut-globalement-faire sans. Et que c'est precisement en lisant sa force artistique que souvent on arrive à une sortie de ces règles naturellement. Ces règles qui nous coince en général dans un tunnel bien construit, bien étroit. Les règles viennent sublimer un film, mais ici (dans sexe mensonge et vidéo) elles n'auraient servi précisement à rien, elles auraient même peut être gaché le film, le conduisant vers une autre reflexion, une autre direction mais l'auteur (qui a evidemment pensé à ces règles, qui les connaissait) ne les a pas suivi, ce je m'en foutisme de ces règles bien prononcé avait réellement pour origine sa volonté. On n'est pas obligé de se foutre des règles, cela serait totalement ridicule, il s'agit juste de ne pas les prendre pour le modèle à suivre pour faire un film mais seulement de les utiliser si elles sont utiles, on les a dans un coin de la tête et instinctivement on décide, comme par reflexe, de voir si à finalement comme on bloque peut être à tel ou tel moment on va s'en servir. Il s'agit de les utiliser si elles nous permettent de nous conduire vers quelque chose de plus droit quand c'est le bordel, car un bordel ce n'est pas beau, ca ne peut pas donner une belle oeuvre d'art, et les règles sont là pour le redresser. Si il n'y a pas de bordel, pas besoin de règle. C'est simple comme bonjour. Après une telle explication on comprends qu'il est ridicule de prendre les règles pour construire un film en entier, quand elles servent juste au mieux à l'élever un peu. Elles peuvent être necessaire, mais jamais importantes, jamais ce qui fait l'essence de l'oeuvre.
Pour finir, on peut rendre au film certaines de ces forces : Julia roberts est splendide, c'est clair, elle joue vraiment bien. C'est réellement une grande actrice, même pour le peu qu'elle apparait elle donne le seul restant d'âme que pouvant avoir le film, car les intermèdes romantiques sont le seul fond du film à se mettre sous la dent. Et ils sont plutôt flambants ! Toujours soumis à de lourdes règles (une mécanique qu'on ne sent pas) cela fonctionne ici, car il y a un assemblage avec une substance, ici le couple marche, on sent quelque chose de vivant. Tout le reste n'est que rouage. Pour finir, Andy Garcia est le deuxième acteur à vraiment bien joué. Les plans sont plutôt inventifs, captivants mêmes. Mais comme le film n'a aucune profondeur, aucune âme entière, cela ne rends pas le potentiel que les plans auraient pu avoir si le projet, l'histoire avait été motivé par la vie ! Les plans avaient un potentiel énorme qui n'a pas été exploité.
Bref, quand on assemble les règles une fois le projet commencé, là on peut tomber sur quelque chose en respectant l'équilibre (règle/création) tout au cours de la création du projet evidemment. Car on peut toujours tomber dans l'excès et décider que finalement les règles gouverneront le film et partir en pilote automatique, ce qu'il y a de pire pour l'artiste et le cinéaste en particulier ici. Ou alors on peut partir dans un désordre total, dans un bordel complet, et cela donne quelque chose que peu de gens pigent. Dès fois on peut s'affranchir de la plupart des règles techniques et apporter quelque chose de purement original et ordonné, mais il y a toujours des règles qui restent.
Maintenant le film a une photographie qui est tout bonnement sublime. L'affiche...folle. Les acteurs, bien qu'ils ne soient pas excellent dans le film, bien que les personnages ne soient pas développés-faute du nombre aussi (mais les règles s'en passeront, quand elles sont les seules à jouer-et je dis bien seulement quand elles sont les seules-ce n'est pas important car ce qui compte c'est la quantité)-ils restent classes. Car il y a une véritable classe folle dans la facon de filmer, et les acteurs respectent parfaitement le cadre, d'une manière ultra professionelle. Mais c'est beaucoup de professionnalisme pour rien, on a pas assez exploiter le potentiel possible de ce professionnalisme à mort. Les répliques sont bien placées, dosées, et cela rends quelque chose de vachement classe sur l'instant, quelque chose de rock'n roll ! Pour cela, à cet instant précis, on pourrait remercier les règles. Mais le problèmes c'est que quand on regarde l'ensemble global du film, et surtout au film du film, on se sent dépravé, on ne comprends pas l'association des éléments ou on le comprends mais pas d'un point de vue vivant, on ne voit que de la pauvreté, aucun lien, aucune énergie entre tous ces élements, rien ne circule ! C'est triste à voir, et pourtant il y a de si belles choses dans ce film il faut le reconnaitre, on voit que les mecs ont bossé, qu'ils ont du talent, mais ici tout à fait que cela n'a été exploité que pour pas grand chose... Encore une fois, un scénario vivant, un projet qui tient à coeur fait avec une volonté et déjà des idées de plans liés à l'histoire parce qu'ils vont ensemble justement, ca ca donne un vrai film, ca donne quelque chose de saisissant comme Fight club, Erin Brokovich, Sexe mensonge et vidéo, et pas The game, Ocean's eleven ou Tu ne tueras point.
Le problème étant un manque d'idées originales, et d'approfondissement du propos, de rapprochement avec le personnage principal c'est à dire de pouvoir le développer et le laissant évoluer en fonction de l'histoire pour le remettre en question sans cesse face à lui même. Et si l'on ne peut pas faire ca c'est à cause de tous les autres personnages qui font partie intégrante de l'histoire, ils prennent la place du héro, l'étouffe et ne le laisse que s'exprimer par apparition dans les scènes pour être en action avec l'intrigue, c'est tout. Ca n'est pas un personnage qui est face à lui même dans chaque situation mais qui n'a que simplement le temps de faire bien dérouler le plan, l'histoire et l'intrigue. Il ne laisse que très peu de temps pour lui même.
En conclusion, Ocean's Eleven est un film pauvre, pauvre par son propos, par sa force, par ce qu'il propose. Il ne raconte rien en réalité à part des faits. Il n'a pas de magie, il décrit une situation, il ne fait que raconter une histoire. Et cela est problèmatique, car ca ressemble peu à du cinéma. On a une totale norme des règles cinématographiques, qui deviennent même le centre de l'oeuvre et en fait son contrôle, chose à laquelle le réalisateur ne nous avait pas habitué. Les règles deviennent presque le film, on les a (quasi) suivi à la lettre pour pouvoir atteindre un pur divertissement. Le problème c'est que c'est censé être la forme du film, ce qui apparait après l'idée, au fur et à mesure si besoin, c'est ce qui est censé affiner la forme mais pas en fait la substance. Une telle substance n'est en réalité pas une substance car elle se désagrège, se désintègre, à la fin même du film, au cours même, au moment même où on voit l'ensemble, où on a un regard total et ou on l'on comprends que c'était mauvais, incohérent, sans sens. On comprends que ca ne touche pas, qu'il n'y a pas d'énergie, que ca ne nous a pas bousculé ou mis en colère, que rien n'a changé finalement. Bref on comprends qu'il n'y a rien. Le film suit donc les règles, bien qu'il arrive à garder de belles scènes romantiques, à laquelle malheureusement (à cause de cette incohérence globale du film) on se fiche pas mal à la toute fin. Il faut savoir que bien que les plans, la facon de filmer, aient été extrêmement travaillé et tout bonnement superbe, il n'y a pas de raison à ca, donc ca ne fait pas des qualités du film dont on puisse profiter. En fin de compte on ne peut gouter à cette onctuosité, on reste sur notre fin, on prefere être gaté avec autre chose. On se sent un peu vide.
Pourtant le film a cet espèce de caractère étrangement mignon, des personnages soudés qui semblent motivés de réussir leur mission. On doit lui reconnaitre qu'il a ce coté absolument adorable, qui donnerait envie de le voir et de le revoir encore sans cesse et sans cesse, rien que pour voir jouer Julia Roberts, George Clooney, Brad pitt et j'en passe... Les voir vivre dans cet espèce de Las Vegas hyper lumineux de nuit et tellement sexy, les voir faire des coups de génie avec classe et augure dans un cadre parfait, avec une mise en scène belle et une photographie superbe. Ca, c'est ca précisement qui fait que quelque part en nous, on adore ce film....