J'avoue que j'attendais « Scandale » avec presque autant d'impatience que de crainte. Impatience car le sujet est intéressant et on ne peut plus d'actualité, voir les événements se dérouler dans les coulisses de l'ultra-conservatrice « Fox News » n'étant pas pour me déplaire, surtout avec un casting féminin à faire grimper au plafond n'importe quel cinéphile hétérosexuel. Crainte car le risque de la caricature virant rapidement au discours #MeToo lourdingue était forcément grand, Hollywood n'ayant jusqu'ici pas fait preuve d'un grand discernement sur la question. Bonne surprise : on évite avec une certaine habileté le manichéisme, Jay Roach trouvant le bon équilibre quant à la répartition de la parole, la donnant aussi bien aux victimes qu'au bourreau, les deux points de vue étant ainsi clairement audibles. De plus, Roger Ailes n'est pas décrit comme un monstre ou un psychopathe sans la moindre humanité, le scénario ayant l'intelligence de le rendre nettement plus complexe, surtout lorsqu'il est interprété par John Lithgow, magistral et qui n'aurait certainement pas volé une nomination en tant que meilleur second rôle masculin. Ces choix d'écriture et de narration sont clairement les points forts de l'œuvre, m'ayant laissé nettement plus dubitatif sur la forme, pourtant l'aspect qui, a priori, m'inquiétait le moins lorsque je suis entré dans la salle. En effet, Roach fait le choix étrange d'osciller entre semi-documentaire et reportage télé, avec ce que cela implique, notamment dans l'image et les plans serrés : c'est simple, je n'aime pas ça. Cela aurait toutefois pu être cohérent si la manière de mener le récit justifiait ce parti pris esthétique, or le montage, survolant trop certains aspects, le manque de liant entre les différents récits ne font qu'accentuer cette logique froide, voire légèrement ennuyeuse sur la durée. Maintenant, nous sommes donc loin du plaidoyer simpliste : le regard est assez juste, ne présentant pas les femmes comme de pauvres victimes, le fait que certaines aient fait le choix de céder aux avances de leur patron étant clairement évoqué. Quelques bonnes scènes également, notamment l'apparition glaçante d'un
Malcolm McDowell en Rupert Murdoch ne faisant pas dans les sentiments dès lors que ses intérêts sont menacés
. Dommage, en revanche, que les trois héroïnes, malgré le talent de leurs interprètes, s'avèrent finalement peu attachantes, mais cela permet aussi de ne pas les idéaliser dans leur combat, ce qui est aussi intéressant. Bref, si « Scandale » aurait assurément gagné à une approche formelle plus classique, au moins a t-il le mérite de traiter avec le recul nécessaire (derniers instants exceptés) une question ô combien complexe : honorable.