Au vu du titre, de l’affiche et de la bande annonce, je comprends qu’on puisse être un peu réservé quant aux « Crevettes Pailletées ». Il y a en effet dans ce film une touche « Cage aux Folles » assumée qui ne va pas plaire à tout le monde. Moi-même, j’avais quelques réserves avant d’aller voir le film. Réalisé par Cédric le Gallo et Maxime Govare, « Les Crevettes Pailletées » est une comédie haute en couleur plutôt bien tenue. J’entends par là qu’elle va à l’essentiel, ne se perd pas dans des considérations militantes, nébuleuses ou faussement moralisatrices. Si la bande originale fait la part belle aux « icones gays » habituelles, Céline Dion, Sabrina, Bonnie Tyler (il ne manque que Mylène Farmer et Dalida pour faire la quinte flush !), elle colore le film d’une dimension festive, même dans les scènes les plus douloureuses, comme à la fin. C’est bien filmé, monté de façon dynamique, du coup les 1h40 passent très bien. C’est drôle, bien sur, même si il faut l’avouer, le scénario et les dialogues ne font pas toujours dans la finesse ni le bon gout ! Cette volonté de multiplier les dialogues un peu crus, c’est peut-être pour choquer un peu, sans doute pour amuser, moi ça ne me gène pas plus que cela mais j’imagine que ca ne va pas convenir à tout le monde, et je peux le comprendre. Le coréalisateur, Cédric le Gallo, est un des vrais membres des vraies Crevettes Pailletées, coréalise ici son premier film aux côté de Maxime Govare, qui a un tout petit plus d’expérience. On va dire que pour un « presque » premier film, c’est plutôt bien réussi et que les petites faiblesses du scénario sont inhérentes au genre de la comédie. Le scénario respecte en effet plus ou moins le cahier des charges de la comédie de base :
la rencontre un peu explosive entre deux mondes qui s’ignorent, l’évolution du personnage prétendument homophobe vers plus de tolérance, le rapprochement père fille à cette occasion, la leçon de courage et d’abnégation qui va avec et évidemment le faux suspens du sport au cinéma (au cinéma, il reste toujours 15 secondes à jouer alors qu’on est à égalité!).
Difficile d’échapper à ce schéma, je le sais bien… On soulignera quand même que le film aborde, même de façon superficielle, les agressions homophobes, la maladie, la misère sexuelle mais aussi des choses plus inattendues comme l’intolérance à l’intérieur de la communauté LGBT et le militantisme envahissant et un peu contre-productif. A côté de cela, l’histoire en elle-même de Mathias Le Goff ne manque pas d’intérêt : la vie d’un sportif de haut niveau qui, visiblement, n’a pas bien préparé sa reconversion, l’attitude de certains journalistes sportifs, les relations parfois compliquée entre les sportifs et leur fédération, la difficulté pour eux de concilier la compétition et une vie familiale normale, l’homophobie latente dans le monde du sport, tout cela est très pertinent et mériterait presque, à mes yeux, un film entier ! Je ne connais pas assez la natation et le water-polo pour voir si « Les Crevettes Pailletées » tordent le cou au réalisme. Le water-polo m’a l’air d’être un sport physiquement très difficile et les crevettes ont une hygiène de vie peu compatible avec le sport, alors forcément on n’y croit pas à 100%, à cette histoire de qualification pour les Gays Games ! Le casting est forcément très haut en couleur et c’est à la fois Nicolas Gob et Alban Lenoir qui tiennent le haut du pavé, sans pour autant éclipser leurs camarades. Nicolas Gob, que l’on à découvert à la TV dans des séries plutôt bonnes (« Les Bleus ») ou même excellentes (« Un Village Français ») est un acteur qui mériterait sans doute qu’on lui fasse confiance plus souvent. Ici, il est très juste, et même assez touchant en nageur au creux de la vague, un peu désemparé par une fin de carrière qu’il n’arrive pas à gérer correctement. Quant à Alban Lenoir, je redis ici combien je crois en ce comédien, capable de tout jouer, mêmes des rôles de skinhead ou de crevette à paillettes sans jamais surjouer, sans jamais tomber dans la caricature. Cet acteur, que j’ai découvert dans « Kaamelott » et « Héros Corp », doit avoir la carrière qu’il mérite, s’il y a une justice dans le cinéma français. En résumé, on peut s’octroyer le plaisir coupable d’aller voir « Les Crevettes Pailletées » à deux conditions : ne pas être homophobe et supporter le côté un peu « Priscilla, folle du Désert » du scénario. Si vous cochez une des deux cases, mieux vaut vous abstenir. Sinon, pourquoi se priver d’un petit plongeon la tête la première : ça détend et surtout ça rafraichit les idées !