Les films iraniens qui décrivent la société iranienne avec un regard critique ont pour point commun de ne pas être tournés en Iran (les cas tragiques de Mohammad Rasoulof et Jafar Panahi sont là pour édifier ceux que l’aventure tenterait) mais par des Iraniens installés en Europe ou aux Etats-unis où ils peuvent s’exprimer plus librement et qui privilégient d’ailleurs souvent la voie de l’animation. Pourtant, en ce qui concerne ‘La sirène’, si l’’action prend place dans un pays qui vient de basculer sous la république islamique, ce constat passe au second plan face à la guerre sanglante qui l’oppose à l’Irak, qui se cristallise dans le terminal pétrolier d’Abadan, que les Irakiens se sont jurés de conquérir ou de détruire. ‘La sirène’ est un film de guerre, qui décrit une enfance saccagée par le conflit mais dont la principale qualité est de montrer une société iranienne encore très vivante à cette époque, multiconfessionnelle et peuplée d’originaux. Je n’ai pas été vraiment sensible à la direction artistique empruntée par Sepideh Farsi même si l’immersion, musicale notamment, dans la réalité iranienne était probante, le ton de ‘La sirène’ reste grave et tragique d’un bout à l’autre comme s’il s’agissait pour la réalisatrice d’’exorciser ce que fut peut-être sa propre expérience ou celle de ses proches. Il est en tout cas très éloigné de celui, plus gouailleur et révolté, de Marjane Satrapi pour ‘Persépolis’. Cependant, ce drame mémoriel gris et sépia prend quelques couleurs lorsqu’il choisit de s’orienter plus ouvertement vers le conte, plus précisément vers une drôle de version de l’arche de Noé emmenant les Iraniens qui ne cadrent pas avec le nouveau régime vers leur hypothétique salut.