Que d'émotions pour ces deux mamies éprises d'un amour profond, tendre, inaltérable. Deux est un drame rempli d'une passion que l'on n'a pas l'habitude de voir, celle de deux personnes âgées d'un même genre, dont l'une devient paralysée suite à un AVC, tandis que l'autre sombre dans une souffrance indicible de ne pas pouvoir révéler la nature de leur relation (à la famille, aux soignants...) pour avoir le droit de rester avec elle... Notre cœur saigne devant la détresse des deux vieilles dames, devant le tabou qui les empêche d'être réunies, devant un final incertain jusqu'à la dernière minute. Le binôme Barbara Sukowa et Martine Chevallier est un petit bijou de sincérité, les deux actrices brillent de mille feux (et méritent chacune leur Prix Lumière, en prévision - on l'espère - d'un César pour Martine Chevallier), et quand elles ne sont pas à l'écran, on peut compter sur un montage son et photographie sublimes. Clairement, les techniciens sont à applaudir, pour ces séquences visuelles inspirées (les plans filmés en effet œil-de-poisson pour se mettre à la place de la mamie qui regarde par le judas, les gros plans sur des objets comme le lave-linge qui peut représenter la relation brouillée ou le fait d'avoir "lavé son linge sale en public" juste avant... Les interprétations sont toutes bonnes) et des montages sonores qui soutiennent bien les images (le jeu bruyant entre l'horloge et la cuillère à café sur la tasse qui montrent toute la tension de Nina, le crépitement de la viande dans la casserole qui nous agace d'abord en se demandant "personne ne peut venir l'éteindre ?", avant de comprendre la terrible réponse...). Le scénario déjà solide s'offre en plus un twist à deux tiers du film (on apprend que
les deux mamies sont en réalité deux amantes de toujours et que le mariage de Madeleine n'a jamais été d'amour, ce qui est inconcevable pour les enfants de cette dernière
), soit une bombe larguée qui renverse la vapeur quand on se sentait si proches d'une happy-end facile, comme pour nous dire "vous pensiez que la famille allait accepter leur amour d'un coup, que tout allait finir de façon mielleuse ? Ce n'est pas le genre de la maison.". On apprécie aussi l'intelligence de la représentation de l'amour homosexuel, qui est une évidence au même titre que n'importe quel binôme d'amoureux, une image "normale" du couple (quel qu'il soit) qu'on rêve de voir en réalité. Et l'on n'a pas résisté à la scène magique où la si belle musique Sul Mi Carro
réveille
un instant Madeleine... Avec un bis repetita lors du final émouvant, cette musique (qui nous rappelle un groupe de bonnes sœurs qui chantent avec Woopie Goldberg) nous transporte autant que les tendres images, si remplies d'espoir, de passion, d'une envie de tout envoyer valser pour pouvoir serrer une seconde de plus l'être aimé... Pour un premier film, Filippo Meneghetti frappe fort et droit au cœur avec son couple de mamies bouleversant.