Avec un casting brillant à la main, ce qui s'avérait être au départ une banale affaire de disparition semble finalement se requinquer au fur et à mesure de symptômes visuels assez bluffant, qui invitent le spectateur à une découverte mystérieuse qui laisse encore un arrière fond inaudible !
Sans jamais usé de fantaisies surréalistes, son récit semble clairement s'adresser à la postérité.
La réalisatrice et coscénariste Natalie Erika James se détourne nettement des conventions habituelles : loin des claquements de porte, ou d'apparition spectrale, ou de maison hantée (qu'est devenue le genre) : ces écueils habituels qui inondent, comme on pourrait le constater, le cinéma d'horreur contemporain qui semble actuellement emprunter la voie de la réminiscence, grâce à la nouvelle vogue encore en effervescence, perpétrée par de nouveaux expérimentateurs indépendants et aux talents inégalables : ils parviennent très nettement à se faire distinguer dans la mêlée.
Après Ari Aster, Jennifer Kent et Robert Eggers, Natalie Erica James s'approprie le genre à son tour et réussie agréablement à extirper (encore une fois) le cinéma d'horreur de cette stagnation fatigante et fatiguée qui a souvent tendance à se recycler par l'usage abusive de tropes visuels aujourd'hui plus que cabossés, érigés en règle de base dans le fonctionnement habituel de l'horreur. Elle entreprend une relecture authentique du surnaturel en lui donnant la possibilité de se dégager d'emblée ! du modèle standard, en optant pour de nouvelles variantes visuelles qui s'inscrivent dans un champs conceptuel qui fait de la terreur existentielle l'essence même du cinéma d'horreur.
"Relic" reflète le poids du deuil et ses implications psychologique sur la vieillesse qu'il incarne autour du personnage de Robin Nevin (Edna) en proie à une menace grandissante (en tout cas indescriptible) sur le point de l'assaillir.
Accablé par sa propre sénilité, Edna semble être pris à l'improviste par la maladie de la vieillesse qui la retient captive d'une forme de réalité mentale (labyrinthique) qui semble de jour en jour se restreindre sur elle, renforcée par la peur du manque : celle d'être privée de sa propre identité, couplé à cela ce sentiment de solitude glaciale qui envahit la maison - de plus en plus hostile envers elle. La réalisatrice entreprend d'immerger son spectateur dans le triste quotidien d'une femme esseulée, rattrapée par les affres de la vieillesse et visiblement encore souffrante de la disparition de son mari il y'a des années de cela; en faisant preuve d'un certain sens du symbolisme dans la mise en scène et dans laquelle on peut entrevoir des aspérités (au niveau comportemental chez la matriarche) auxquelles va se heurter souvent sa fille Key et sa petite-fille Sam. Natalie Erika James nous fait entrer au cœur de la dramaturgie du personnage de Robin Nevin soutenue par des allusions faites à son égard lorsque celle-ci témoigne de sa solitude dans une métaphore assez descriptive du vide intérieur qui l'habite lorsqu'elle se confie à sa petite fille à propos des lieux qui semblent de plus en plus grande pour elle depuis la mort du patriarche : comme si quelque chose d'assez singulier se mettait à aspirer son esprit dans un gouffre indescriptible ! Un mal insaisissable qui lui ait encore intérieur, que la réalisatrice parvient à retranscrire en faisant usage de cas symptomatiques de la maladie nerveuse comme projection extérieure de cette réalité encore hermétique. Un fardeau qu'elle a réussi seule à porter durant des années et ce malgré la distance qui la sépare de sa fille Key et de sa petite-fille (visiblement prise d'affection pour sa grand-mère esseulée) qui, à son tour, semble avoir pris ses distances vis à vis de sa mère.
La réalisatrice joue dès le départ sur cet aspect de l'éloignement qui se crée souvent au fil du temps dans les relations familiales, et que l'on constate de nos jours dans les sociétés des temps modernes, avec l'esseulement, ce sentiment d'isolement, de solitude dans la vieillesse, cette absence d'autonomie qui place les femmes en première ligne dans ce combat quotidien : des phénomènes sociaux bien réels que la réalisatrice semble évoquer comme une ''obsession'' : un traumatisme qui demeure encore inaudible dans les temps modernes et qui semble actuellement affecter la jeune génération et plus particulièrement les femmes, que le scénario mettra dès le départ en évidence grâce à des symptômes assez évocatrices de faits susceptibles d'aller dans cette même direction - avec une Sam de plus en plus retranchée de sa mère. Le scénario montre par ailleurs que cette même distanciation entre Edna et Key est sur le point d'affecter en parallèle la liaison maternelle de Key à sa fille Sam qui semble à son tour rompre le cordon qui faisait office de liaison affective avec sa mère.
Natalie Erika James traite son discours social de l'éclatement familial avec cette distanciation causée par les aléas de l'existence (vu la recherche fulgurante d'autonomie que l'on constate de plus en plus chez les jeunes de nos sociétés modernes) comme une ''malédiction'' héritée des temps modernes. Et s'il y'a eu dans le temps entre Key et Sam une quelconque relation fusionnelle mère-fille existante par le passé, celle-ci semble - à ce qu'il paraît - s'effondrer sur elle-même. Et cela se ressent lors de leur première conversation sur les lieux de la disparition de la matriarche. Cette profonde rupture est assez flagrant si l'on constate que Sam appelle sa propre mère par son prénom. Un cas psychologique assez courant qui signifie la rupture de l'enfant/l'adolescent à ses parents qui tend souvent vers une opposition conflictuelle vis à vis du/des parent(s) : il finit par les appeler de la même façon comme n'importe qui pour les signifier qu'ils sont maintenant à égal. On voit d'ailleurs cette incarnation chez Sam.
Alertées par une appelle du shérif local sur la disparition soudaine de leur parente, cela va précipiter nos deux héroïnes en direction de la maison abandonnée qui suscite à première vue une arrière pensée à même de témoigner de l'état mental actuel de son occupante.
Disparition mystérieuse puis apparition soudaine, apparemment tout semble normal chez la dame âgée, sinon une tâche au couleur noirâtre sur la poitrine (qu'elle tentera de cacher difficilement) et qu'aurait appartement remarqué l'infirmière dépêchée sur les lieux après sa disparition (à la demande) qu'elle envoie gentiment balader. Et c'est là que réside tout le mystère dans cette histoire.
C'est ainsi que dans ces charges assez évocatrices de la condition sociale actuelle des pays occidentaux (étant nous-même affranchit de ce genre de réalité) que l'on parvient à saisir toute la vitalité du message de "Relic". Lorsque Natalie Erika James relate cette "thématique" de la fracture sociale, elle met l'accent sur des symptômes encore inaudibles, en relevant par là le problématique de la transmission intergénérationnelle qui existent dans les sociétés actuelles, que le scénario opère ici par le détachement (encore tragiquement insonore) de la fille à la mère (impression que la société actuelle n'en parle pas assez) : une tragédie sociale dont les échos parviennent à être retranscrits dans une scène poignante où Edna parvient difficilement à se décharger de ses troubles affectifs qui l'accablent à sa fille Key (qu'elle voit autrement) qui la surprend entrain d'engloutir les restes de son passé : une allégorie tragique qui met en relief le spectateur avec cette nostalgie perpétuelle du passé chez Edna qui, nous semble t-il, n'arrive plus à satisfaire ce manque affectif qui le reliait à son passé et qu'elle aurait perdue avec le temps et qui, durant toutes ses années, aurait été sans doute comblé par la présence à ses côtés de son mari dont elle n'arrive visiblement pas à se défaire de son deuil.
Edna, visiblement, semble ne plus avoir la force psychologique nécessaire pour faire face à ce quotidien de plus en plus menacé par la présence d'un ''danger imminent'' (flottant) qui parcourt furtivement ses immenses lieux en ruine, laissant, l'air de rien, à penser que certaines pièces et vu les conditions dans lesquelles elles sont présentées, sentent à notre avis le renfermé (même si les dialogues ne font pas mention d'une telle chose).
Renvoyant le spectateur à un questionnement perpétuelle qui laisse supposer la présence d'un étranger (peut-être une entité ou une créature) qui partage sans que l'on s'en aperçoive la maison avec la matriarche en proie à un effondrement mental, car même si certaines scènes semblent à priori appuyer une telle hypothèse, il n'existe aucune preuve tangible durant tout le film à même d'affirmer une telle existence. Cette possibilité sera ensuite écarté de l'intelligence du spectateur qui se voit assiéger ! Car à vrai dire toute cette situation semble laisser le public ainsi que nos deux héroïnes perplexe. Ce qui nous renverra à explorer d'autres pistes qui vont nous ramener à ce même point de convergence : Edna ! Sa disparition mystérieuse, cette tâche noire sur sa poitrine... Apparemment sa disparition semble être motivée par une raison, mais laquelle ? Sa maladie ? (Peut-être). En tout cas le mystère demeure toujours, et reste diablement inaltérable, si l'on constate à quel point le récit semble s'intensifier progressivement tout en gardant cette même opacité que la réalisatrice et coscénariste ne dévoile pas complètement. Parce qu'au fond le mystère semble peu à peu gagner du terrain à mesure que le récit progresse, prenant les allures d'un cauchemar éveillé qui englouti tout sur son passage, entraînant nos deux héroïnes dans un gouffre qui semble de jour en jour ronger les entrailles de la maison et de ses occupantes. En cela la réalisatrice fait preuve d'une ingéniosité redoutable, nous semble-t-il retranscrire toute cette souffrance intérieure chez Edna dans une allégorie visuelle dirons nous même plastique ! Qui semble même incarner physiquement à l'écran cette constante sensation de malaise oppressante. Et l'on se contentera par ailleurs d'une possible présence surnaturelle inaccessible qui se nourrit de la détresse émotionnelle émanant de ces occupantes et par la même occasion, de la maison.
Prenant dans ses fulgurances le classique de la maison hantée, tout en faisant peser le doute sur le caractère omniprésent d'une "menace extérieure" qu'elle semble retranscrire dans une grammaire cinématographique qui partage certaines facultés visuelles avec les classiques du même genre : Nathalie Erica James laisse transparaitre le mystère dans des visions symboliques ! Tout en laissant l'imagination du spectateur faire le reste.
Traitant le problème de la transmission comme un "Hereditary" d'Ari Aster, la réalisatrice Natalie Erika James met en perspective trois générations de femmes qui semblent être liées par une sorte de malédiction commune qui risque de se poursuive encore et encore d'après ce que laisse penser le dernier acte de son film : un sort imprenable (qui relie ces trois femmes) que le scénario montre au travers de la maladie nerveuse d'Edna. Comme si ce dont Edna souffrait allait se répercuter sur les générations à venir. Car cela se laisse facilement penser à travers cette vision répétitive (à l'imagerie troublante) en songe qui vient toutes les nuits rompre le sommeil à Key. Comme si cette dernière allait prendre part à un lourd héritage qui risque de se perpétuer de génération en génération. Comme si Key était sur le point d'assister à ce qui s'avèrera être son futur en tant que fille et en tant que mère.
Comme si la chose qui la rongeait de l'intérieur se nourrit de la détresse causée par la maladie de ses victimes jusqu'à ce qu'elles soient complètement calcinées de l'intérieur; Edna se verra consumer à petit feu par cette souffrance indescriptible jusqu'à ce qu'elle lui ôte toute faculté innée d'interaction avec ses congénères. Et c'est là que le film change complètement de tournure. Mêlant à la fois l'horreur et le dramatique, le destin des deux femmes se jouera sur leur niveau de persévérance face à ce danger personnifié en la figure d'Edna, dans une scène d'une intensité émotionnelle inédite (qui prend à revers son spectateur), réitérant certains codes toujours fidèles à l'esprit de l'œuvre. Natalie Erika James nous fait assister à un spectacle où l'horreur se mêle à la fantastique et où le summum de son art se cristallise pour donner des sensations diverses qui épuisent son spectateur d'un investissement émotionnel non-négligeable face à cette violence esthétiquement troublante - alourdit par cette vision odieuse de son "créature" qui ne ressemble (en tout cas) en rien de ce que le cinéma hollywoodien a confectionner jusqu'ici : "Relic" donne une nouvelle image au genre où la fascination se mêle à l'horreur, au dégoût et à la compassion, et continue de faire réfléchir son spectateur même jusque dans ses dernières volontés.
L'ivresse dans sa dernière partie : avec un changement abrupt de ton qui va crescendo, soutenue par un talent inouï dans la mise en scène qui retient captive les deux protagonistes féminins prises en otage dans ce traquenard horrifique qui bouscule désormais tous les repères qu'avaient façonné le spectateur qui s'identifiait à eux, bascule subitement et fait place à une profonde malaise qui vous envahit littéralement - quant au choix inattendu que vienne prendre le scénario à l'endroit de Key - sous prétexte que l'on ne peut fuir sa destinée : elle prend son courage à deux mains, en revenant sur ses pas afin d'affronter ce destin funeste en tant que mère tout en saisissant par le choix qu'elle vient de faire la métaphore de ses visions en songe.
Malheureusement ne disposant pas de la même efficacité -dans son cheminement global- qu'un "Hereditary" d'Ari Aster, avec un récit d'une opacité qui engendre quelques fois des lourdeurs à la lecture de l'ensemble, "Relic" surprend quand bien même son spectateur dans sa dernière ligne droite et renvoie quelques lutins férus de ce classicisme wanien à aller revoir un "Conjuring" ou un "Insidious" - là ils s'y retrouveront certainement. Et c'est peut-être là aussi un des points faibles de "Relic".
''Relic'' ne fera certes l'unanimité, mais pour un premier film de ce niveau, l'exécution dans sa mise en scène révèle, derrière, des mains fortes et prometteuses pour la suite. Et rien que pour cette œuvre-ci, nous accordons à sa réalisatrice le privilège de rejoindre le panthéon des réalisateurs expérimentaux sur le point de façonner le genre.