Alejandro Amenábar propose avec Les autres un thriller psychologique d’une sophistication indéniable, où l’atmosphère oppressante et les performances d’acteurs brillent. Cependant, bien que le film excelle à capturer l’essence du suspense gothique, il reste entravé par quelques choix narratifs qui en limitent la portée.
L’intrigue, centrée sur Grace et ses enfants, repose sur une idée originale : un isolement forcé par la photosensibilité des enfants, qui impose une obscurité permanente dans le manoir familial. Cette prémisse permet à Amenábar d’explorer des thèmes profonds tels que le deuil, la foi et la culpabilité. La progression du récit est ponctuée de mystères qui captivent l’attention, tandis que des indices savamment distillés préparent le spectateur à la révélation finale.
Cependant, le rythme souffre d’une lenteur excessive dans certains segments, rendant l’expérience par moments trop contemplative. Si cette approche fonctionne pour instaurer une tension progressive, elle entraîne aussi des creux narratifs qui affaiblissent l’intensité globale du film. Quelques sous-intrigues, notamment celles concernant les domestiques, méritaient une attention plus approfondie pour renforcer l’équilibre de l’ensemble.
Nicole Kidman incarne Grace avec une intensité remarquable, conférant à son personnage une profondeur et une humanité palpables. Son jeu oscille brillamment entre rigidité glaciale et vulnérabilité émotive, rendant crédible son cheminement dans un récit où réalité et illusion se confondent. Elle parvient à maintenir l’intérêt même dans les moments où le scénario s’essouffle.
Fionnula Flanagan, dans le rôle de Bertha Mills, offre une performance nuancée, laissant planer le doute sur ses véritables intentions. Quant aux jeunes acteurs, Alakina Mann et James Bentley, ils apportent une touche d’authenticité, bien que leur contribution soit parfois éclipsée par la force de Kidman.
Amenábar démontre une maîtrise visuelle indéniable, construisant un univers sombre et oppressant où chaque détail visuel renforce l’ambiance du récit. Le jeu d’ombres et de lumières, essentiel à l’intrigue, est magnifiquement exécuté, transformant la maison en un personnage à part entière.
Cependant, cette approche méticuleuse peut donner l’impression d’une certaine prudence dans la mise en scène. Si l’atmosphère est indéniablement réussie, on aurait souhaité que le réalisateur prenne davantage de risques pour surprendre et déstabiliser le spectateur. Le film reste dans un cadre classique, là où une audace visuelle ou narrative supplémentaire aurait pu l’élever à un niveau supérieur.
Le dénouement, bien que habilement préparé, n’échappe pas à un certain sentiment de déjà-vu pour les amateurs du genre. La manière dont Amenábar dévoile la vérité est émotionnellement percutante, mais la similarité avec d’autres œuvres réduit quelque peu son impact. Cela dit, la dimension émotionnelle, portée par Kidman et la mise en scène subtile, sauve cette conclusion d’un prévisible trop évident.
La musique d’Alejandro Amenábar, minimaliste et discrète, joue un rôle crucial dans l’immersion du spectateur. Les notes sombres et les silences prolongés accentuent le sentiment de tension, ajoutant une couche supplémentaire à l’ambiance oppressante. Ce choix de simplicité fonctionne à merveille, évitant tout excès sonore inutile.
L’un des aspects les plus remarquables du film est sa capacité à jouer sur des émotions profondes, telles que la culpabilité et le désespoir. Pourtant, ces thèmes ne sont pas pleinement explorés, et le potentiel dramatique est parfois sacrifié au profit de l’atmosphère. Les personnages secondaires, en particulier, auraient pu bénéficier d’un développement plus substantiel pour enrichir l’expérience narrative.
Les autres est un thriller psychologique captivant qui se distingue par son atmosphère gothique soignée et les performances remarquables de son casting, en particulier Nicole Kidman. Bien qu’il pêche par un rythme inégal et une certaine prévisibilité dans son dénouement, il reste une œuvre marquante par son élégance visuelle et son exploration des frontières entre la vie et la mort. Avec un peu plus de dynamisme et d’audace, il aurait pu transcender son cadre pour devenir un véritable chef-d'œuvre.