Christophe Blanc s'est inspiré de sa propre vie pour Just Kids : il est devenu orphelin très jeune et a découvert que son père menait une vie parallèle bien éloignée de sa vie exposée. « Il faut du temps pour prendre la parole. Aujourd’hui, je peux raconter cette histoire, sans m’effondrer, ce qui n’était vraiment pas le cas il y a encore quelques années ». Il avait envie de faire un film à la fois sur la jeunesse et la mort, « non pas dans un rapport de violence ou de romantisme noir, mais dans une dimension beaucoup plus universelle ». Plusieurs scénarios inachevés ont vu le jour, avant que Blanc ne décide de scinder son expérience en deux personnages : Mathis, 10 ans, et Jack, 19 ans.
« Ici, le rôle est dur, complexe, long. La palette de sentiments qu’il impose est extrêmement large. Je voulais un enfant singulier », explique Christophe Blanc au sujet du personnage de Mathis, incarné par Andrea Maggiulli, dont c'est le premier rôle. Il est le fils du chanteur et compositeur Francis Magguilli. Le réalisateur salue chez ce jeune acteur sa photogénie et sa richesse d'invention dans le jeu. Quant à Kacey Mottet Klein, acteur depuis l'âge de dix ans, il a l'habitude de jouer les « fils de » : « Kacey était attiré par cette exposition directe. Et pour ma part, je trouvais qu’être délesté de ses parents, protecteurs à double titre, par leur personnage et leur statut de vedette, rendait Kacey idéal pour le rôle, proche de Jack ».
C'est par ce néologisme que le réalisateur définit son film : « Étymologiquement, le « mélodrame » mêle intimement la musique au drame. Je n’ai pas investi tous les codes du mélodrame, comme par exemple l’invraisemblance des situations, mais j’ai été attentif à jouer avec l’exacerbation des sentiments, les élans émotionnels soulignés par la musique, un style marqué… »
Le film est traversé de figures récurrentes. Pour le réalisateur, les jambons espagnols sont comme la métaphore du corps délité du père, l’œil est celui de la juge, de l’oncle qui contrôle les enfants, mais aussi celui du photographe Mathis. Le pogona (le lézard) et la veste en peau de serpent jouent sur la présence du père. « Voilà le sens que j’y mets. Mais il peut être tout autre. Ou ne pas exister. Cela peut n’être qu’une veste, qu’un animal, qu’un œil clos par une bagarre. Rien de plus ».
Christophe Blanc a ressenti d'emblée le désir de tourner à Grenoble, pour sa manière d'être enserrée entre les montagnes. Une géographie qui enferme les enfants, comme dans une prison. La tour dans laquelle ils habitent faisait partie du village olympique construit pour les Jeux de 1968 et a été transformée en habitation. Elle donne elle aussi l'impression d'une prison verticale.
Traitant dans son film de la jeunesse, le réalisateur tenait à s'entourer d'une équipe jeune, pas forcément en terme d'âge mais aussi d'expérience sur un plateau : « Je tenais à une forme de virginité, d’appétit. Donner les clés du camion à la jeunesse a enrichi le film. Un technicien installé peut avoir la tentation – je l’ai éprouvé – de vous renvoyer sans cesse au budget […]. La jeunesse a des défauts, mais pas celui-ci, pas celui de l’économie […] ».
Le cinéaste Yves Caumon joue le rôle de l'oncle, tandis que Christophe Blanc lui-même joue le père, qu'on aperçoit sur des photos et dans le cauchemar de son fils Jack. Délivrant une histoire qui lui est très personnelle, le réalisateur trouvait normal de se montrer devant la caméra. Ce geste a aussi été cathartique : « Il est si difficile d’apaiser tout ça. Ce film est pour les enfants blessés, réellement blessés, celles et ceux qui l’ont été dans leur jeunesse. Il y en a beaucoup. Et ce film est fait pour dire qu’il existe un horizon ».