Morte à 26 ans pour avoir voulu photographier au plus près les combattants de la guerre civile qui s’est déchaînée au Centrafrique en 2013-2014, Camille Lepage était non seulement une jeune photoreporter aimant son métier, mais une femme si passionnée par ce pays qu’elle ne craignait pas de le parcourir malgré les risques encourus.
En réalisant un film librement inspiré par l’expérience vécue par la photographe, Boris Lojkine ne se contente pas d’un hommage, mais il propose un film impressionnant, criant de vérité et n’ignorant aucune des questions que pose la présence des journalistes sur des terrains de conflits armés.
Au départ, pourrait-on dire, il y a une question de style. Avant même de quitter la France, un rédacteur de journal à qui Camille (remarquablement interprétée par Nina Meurisse) montre quelques-unes de ses photos lui suggère de faire des choix quant à la manière de les prendre. On ne peut pas tout montrer indifféremment, lui dit-il, il faut choisir un angle, une approche, un point de vue, un style. Cette question, qui peut paraître secondaire lorsqu’il s’agit de photographier un pays en guerre, ne manque pas, en vérité, de pertinence. Elle sera présente au long du périple de Camille en Centrafrique, quoique formulée différemment.
La présence d’une jeune femme blanche dans un pays d’Afrique noire en guerre n’a, en effet, rien d’anodin. Camille, cependant, reste déterminée, malgré les dangers, à aller au plus près du vécu des habitants, y compris de ceux qui ont pris les armes. Les autres journalistes présents ont beau lui expliquer qu’il convient de garder une distance, ce n’est pas ainsi que la jeune femme conçoit son métier. Est-ce de l’idéalisme ? Peut-être. Mais Camille est aussi et surtout quelqu’un d’entier, qui ne peut faire les choses à moitié, et qui s’est prise d’une réelle empathie pour le pays.
Boris Lojkine montre parfaitement l’ambiguïté de sa démarche. Elle essaie d’être en symbiose avec tous les évènements, elle est parfois témoin de violences extrêmes, elle cherche à se lier le mieux possible avec les Centrafricains, elle n’en reste pas moins une étrangère, une européenne, qui est censée faire des photos avant de quitter le pays pour s’en retourner chez elle. Un des Centrafricains le lui dit : « Tu fais des photos et tu t’en vas ! ». Sans doute est-ce précisément pour corriger sa position incertaine qu’elle souhaite s’engager davantage, jusqu’à se rendre sur le théâtre des opérations, là où ont lieu les combats, tout en sachant qu’elle peut le payer de sa vie. Son portrait par Boris Lojkine est à la fois admirable et émouvant, tout en laissant le spectateur quelque peu circonspect.