Je viens d’enchainer quelques films ces derniers jours, mais il faut bien avouer que lorsque je me réveille le lendemain et qu’il résonne encore dans mon esprit, c’est que cela signifie quelque-chose. Au Nom de la Terre. Certes je n’avais pas ignoré le fait que ce film n'était pas passé inaperçu, néanmoins, je dois avouer que je n’avais pas saisi l’occasion de le voir. Ou alors, en toute honnêteté, peut-être que le sujet ne me promettait pas l’évasion dont j’ai besoin parfois. Besoin ? Tu parles. Je crois que c’est bien de ce genre de film dont j’ai besoin justement. Certains diront que voir un film comme celui-là est comme broyer du noir. Inspiré d’une histoire vraie. Je crois que c’est de toute façon la mention qui change tout et qui représente pour moi le gage de qualité d’un excellent scénario. M’entends-je ?! Oui malheureusement. Loin de moi une quelconque pensée malsaine. Mais il faut bien admettre qu’un bon film est d’abord une belle histoire. Le plus souvent décalcomanie de la réalité. En tout cas c’est bien la réalité qui me touche le plus. « Belle », tu as dit « belle » ?! Et oui. Pourtant l’histoire n’est pas jolie jolie, on est bien d’accord. Et une fois de plus, j’en ai pleuré. Mais c’est bien là que je comprends quelque-chose. Il n’y a rien à inventer. En tout cas personnellement, plus j'y pense et plus je comprends que c’est bien ça qui m’intéresse dans un film. Une succession de photographies. Rien de plus. Ce film m’a – évidemment comme toute personne quelque peu sensible me direz-vous – bouleversé. Bouleversé par sa justesse. Il m’a reconnecté à quelque-chose. Enfin. Ce film pourrait me donner envie de tout envoyer valser. Je m’explique. Ce film me donne envie de prendre le train – si nous n’étions pas confinés (cons finis ça marche aussi !) – et de rentrer chez moi. Mon chez moi originel j’entends. Je ne suis pas agriculteur, mais sans doute suis-je un paysan. Ce film pourrait me laisser penser que je ne suis pas à ma place aujourd’hui. J’ai une envie de campagne. Et tout ce qui va avec. On m’avait pourtant prévenu ; Paris pue. Dans tous les sens du terme. J’ai envie de mer. Merde. J’ai envie de grand air ! Rien de plus normal en ce moment, mais moi j’ai une terrasse et un extérieur… Pourtant j’ai besoin de cet essentiel. Au-delà de toutes ces considérations personnelles, quasi universelles et pas bien graves d’ailleurs – il suffira d’y remédier le moment venu – je prends conscience que je suis à la recherche de vide. Oh je ne suis pas le premier à le dire - et je devrais rattraper le temps perdu et poursuivre le comblement de mes lacunes littéraires – mais néanmoins tout cela semble de plus en plus clair. Pour la première fois depuis longtemps, ce film a réveillé en moi comme cette sensation intérieure, qui s’apparente à une forme de légèreté et de pureté, mêlée à un léger sentiment de ridicule. Après quoi on court ? Comme dirait Pascal OBISPO. Que de temps perdu à ne pas être soi-même. Je ne suis pas tout à fait en mesure de répondre à la question, néanmoins peut-être que cela est un début et me permettra d’arrêter - pour commencer - de me poser la question. Car c'est déjà bien là que quelque-chose ne tourne pas rond ; quel drôle de concept que de se demander ce qu’on fout ici... Est-ce normal de perdre du temps à se poser cette question ? Je ne sais pas. Mais pour en revenir à cette course, qui s’apparente je crois à une sorte de recherche et donc de créativité - comme si seule la création était l’unique justificatif d’une existence valable… - il faut me rendre à l’évidence que cette quête n’a pas vraiment d’autre sens, puisque vaine à priori. Le poids des mots est important et relire celui-ci « créativité » me fait peur. Mais puisque je n’ai pas choisi la bonne voie pour cela, il me faudra donner la vie d’une autre façon, à ma manière. Ça c’est une-notre histoire.
Je digresse, mais il faut faire confiance à ses digressions lorsque l’on écrit. Tout est lié. Ce film me touche aussi parce qu’il me ramène à ce que je suis. Indirectement. Je viens d’en bas. Certes. Mais il me touche aussi par son rapport au temps, à la filiation, à la famille. Il donne – paradoxalement – une image du bonheur. Voilà maintenant quelques étés que j’ai élu domicile - par procuration - dans une villa avec piscine qui ne m’appartient pas. C’est un luxe auquel j’accéderai peut-être un jour, qui sait. En cette éventuelle occasion, je ne laisserai d’ailleurs personne me juger - comme je m’efforce à ne juger personne – mais il faut une nouvelle fois me rendre à l’évidence que le bonheur n’est pas là... et qu’avec 3 bottes de foin et une bâche, le tour est joué. Oui, tout ça pour ça. Merde je n’ai pas de maillot de bain et je constate petit à petit que mon « summer-body » est voué à disparaître.
Ce film m’a surpris. Je ne m’attendais pas à ça. Je m’étais peu renseigné. Sans doute avais-je besoin de laisser passer les trop nombreuses images promotionnelles et « porteuse d’un message » que j’ai vu défiler sur Facebook. C’est con. Mais peu importe, c’est l’intérêt d’un film. Il existe désormais. Pour toujours. Voilà que j’en viens à parler de ce fils de paysan jusque-là inconnu. Il aurait d’ailleurs certainement préféré le rester. Mais il faut croire que tout ça était écrit quelque part et qu’il avait un rôle à jouer. Et il l’a joué. En Fils de la Terre, il a joué son rôle de lien. En digne héritier de paysans, il a recréé le lien qui a bien failli se rompre et laisser tomber ses père et grand-père dans l’oubli. Et leurs semblables avec eux. Sans oublier – quel con – sa mère, car l’un ne va pas sans l’autre, c’est une évidence. Permettez-moi une toute petite digression cinéphile, Veerle BAETENS est en ce qui me concerne une révélation. Mais je suis très certainement influencé par la beauté du personnage réel de Madame BERGEON. Exceptionnelle. Pour la première fois, je ressens la nécessité de rester dans une sorte de retenue pour ne pas tomber dans une glorification impudique et naïve - néanmoins légitime - de comédiens célèbres… De toute façon, le meilleur comédien n’est-il finalement pas celui qui – comme le décor – se fait le plus discret possible ? Ne le dites à personne.
Quoiqu’il en soit, ce film me permettrait une fois de plus d’argumenter ce fameux sujet de dissertation fondateur ; « Le Cinéma c’est la Vie, la Vie c’est le Cinéma »… C’est aussi con que ça. Et pour en revenir au réalisateur et ce que je voulais dire de lui ; dans les dernières minutes du film, d’une intensité inouïe - et de larmes me concernant - il devient finalement l’acteur principal de l’intrigue. Surtout si l’on considère que l’histoire continue. Cette fois ce n’est plus du Cinéma. C’est la vraie vie. Dès lors qu’il expulse sa douleur - dans un dernier sursaut-réflexe de peur et de haine - à la mort de son père, le film prend tout son sens. Au-delà du drame évident, au-delà du message primordial ; ma méconnaissance de l’histoire vraie m’avait laissé à une certaine distance de ce garçon, pourtant intriguant et captivant dès le début. Il était évident qu’il allait jouer son rôle jusqu’au bout.
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AU NOM DE LA TERRE - Édouard BERGEON, 2019 // Rétrospective 1
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[visionnage : avril 2020 - version : 15 avril 2020/maj. 02 mars 2021 - publication : 05 avril 2022]
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