Souvent on me taquine.
On me dit que je suis un brin tatillon à vouloir sans cesse m’attarder sur la forme.
On me dit que je fais mon esthète, mon élitiste, parce que – au fond c’est bien connu – au cinéma seule compte vraiment l’histoire ; le scénario. Tout le reste ce n’est que de l’application technique. Rien de bien folichon ni d’essentiel.
Eh bien justement… Je pense que, pour le coup, cette « dernière vie de Simon » vient quelque-peu apporter de l’eau à mon moulin.
Parce qu’en effet, à bien tout prendre, ce long-métrage a quand-même pour lui beaucoup de qualités propres aux grands films.
Il dispose d’une histoire astucieuse, riche et dense.
Son écriture se révèle habile, sans fioriture, sachant aller à l’essentiel tout en touchant juste.
Il a une approche sensible de son sujet, toujours dans la sincérité de ses personnages et jamais dans le jugement.
Il peut d’ailleurs même se vanter de s’appuyer sur une interprétation de qualité, tous rôles confondus.
Il se paye même le luxe de savoir finir en apothéose, parvenant à lier habilement élan émotionnel et impression de complétude…
Ah ça, oui, il n’y a pas à redire : cette « dernière vie de Simon » est riche de qualité… Et pourtant il lui en manque une. Essentielle.
Une réalisation d’auteur…
Alors loin de moi l’envie de cracher sur l’intégralité du travail de Léo Karmann.
On sent bien chez lui l’envie de faire de l’image propre avec de jolis cadres bien fixes et de belles formes géométriques. Mais tout ça n’a aucune personnalité. Tout ça ne dit rien à travers l’image et le son. Au contraire même, on se retrouve avec une sorte de patchwork disneyien totalement pompier et assez irritant : musiques dignes d’un Theodore Shapiro noyé dans le miel, photographie multipliant les effets de lumière boursoufflés (rayons tranchants provenant d’une lucarne, multiples orbes lors d’un coucher de soleil, teintes toujours très chaudes)…
Moi, clairement, cette réalisation : ça a été mon ennemi durant tout le film.
C’est à cause de cette réalisation que je suis resté totalement extérieur à toute la partie consacrée aux protagonistes enfants.
C’est à cause de cette réalisation que chaque instant qui se voulait tendre et mignon me faisait frôler l’indigestion.
C’est à cause de cette réalisation que j’ai été freiné dans mes émotions durant l’envolée finale.
Et ça, franchement, ça m’ennuie.
Ça m’ennuie parce que ce film a su malgré tout me surprendre.
Ça m’ennuie parce que ce film a su fort habilement cheminer le long de situations qui tiraient merveilleusement parti du postulat fantastique posé par l’intrigue.
Et ça m’ennuie encore plus parce qu’il y a dans ce film de vrais bons moments d’émotion ; des moments dont j’aurais aimé davantage profiter.
Quel dommage donc qu’on ne retrouve pas dans la réalisation ce sens de l’équilibre et de la mesure qu’on retrouve pourtant dans tout le reste !
Et si d’un côté je comprends l’envie d’user de tous les codes de la fable fantastique américaine pour faire passer la pilule de cet enfant capable de changer d’apparence, de l’autre je ne peux que réprouver le résultat final.
Car en optant dès le début pour les codes d’un conte à la Disney, non seul Karmann rend son début de film totalement indigeste, mais en plus il s’enferme ensuite dans un style dont on sent qu’il cherche pourtant par la suite à s’en défaire.
Mais par nécessité de cohérence et d’unité, Karmann se retrouve contraint de persister dans un choix formel qui transforme sa belle Bretagne en terrible pastiche digne de Marne-la-Vallée.
Or, pour moi, c’est une évidence : ce scénario méritait mieux.
Il méritait du style dans la forme.
Il méritait une réflexion dans le rendu.
En somme, il méritait de l’identité.
Alors après – certes – l’un dans l’autre, je l’ai quand même apprécié ce film.
Ça reste globalement (et bon-an-mal-an) un bon moment ; une œuvre sincère portée par des gens plein de bonne volonté.
En cela il est vraiment parvenu à susciter chez moi une sincère sympathie (d’où ma note plutôt positive d’ailleurs).
Mais d’un autre côté ce manque de pertinence dans la réalisation m’a tellement bridé et frustré que j’en viendrais presque à espérer qu’un auteur étranger s’empare de ce projet pour le retourner à sa sauce.
Un auteur coréen, par exemple, ce serait vraiment le nec plus ultra.
Parce qu’au fond les Coréens ils ont compris, eux.
Ils ont compris qu’on pouvait s’inspirer des Américains sans forcément les singer bêtement.
Mais bon… Après ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)