Je vais commencer par mon cheval de bataille : la direction d’acteur.
Celle plus précisément concernant les non-professionnels.
Emmanuel Carrère parvient à ce que ses non-professionnelles soient dans l’incarnation.
Je salue d’emblée Hélène Lambert (Christèle) et Léa Carne (Marilou) entre autres, et à travers elles, tous les autres, car j’imagine, il y avait des hommes.
Elles tournent autour d’une Juliette Binoche au jeu d’une humilité touchante.
Je n’ai pas lu le livre de Florence Aubenas, j’en avais entendu parler à sa sortie.
Il est vrai que l’initiative de Marianne (Juliette Binoche) peut prêter à discussion.
En travestissant son identité, son historique personnel, Marianne, l’écrivain, décide d’être femme de ménage pour connaître les conditions de travail de ce métier ingrat.
Elle change de département, s’inscrit à Pôle Emploi, passe une formation et la voilà embauchée pour être aussitôt licenciée, mais de fil en relations, elle est embauchée pour nettoyer les cabines d’un ferry.
C’est 4mn par chambre, aucune absence et aucun retard ne sont tolérés.
Elle se fait des amies, partage leurs espoirs, leurs souffrances au travail, la simplicité de leur quotidien, leur difficulté à être visibles.
Oui, le crédo de Marianne c’est rendre visible les invisibles.
En ce qui me concerne, je n’ai pas attendu le livre de Florence Aubenas pour prendre conscience qu’il y a des femmes et des hommes de ménage qui préparent dans le stress les cabines des ferry, des avions, des bureaux, des hôtels.
Et mon éducation certainement, ou ma mentalité, ne m’a jamais amené à les sous-estimer et à profiter de salir mon environnement sous prétexte que je n’aurai pas à faire le ménage.
Je pars du principe que ce que je n’aime pas, je ne le fais pas aux autres.
Cependant, il y a des hommes et des femmes qui n’ont que faire des invisibles. Et leur incivilité les rend visibles !
C’est un autre débat.
A-delà des conditions de travail, de la difficulté du métier, le film parle de duplicité, de mensonge voire de trahison. Pourtant la grande majorité des personnes qui a appris l’immersion de Marianne ne semble pas lui en vouloir, et Nadège va plus loin : selon elle ce livre permettra aux gens de prendre conscience de leur sale job.
Seules Christèle et Marilou resteront inflexibles.
L’attitude de Christèle femme au caractère trempé, au bon coeur, passe soudainement pour une personne radicale.
Elle ne cherche pas à comprendre, son esprit est complètement verrouillé. Christèle est brusquement antipathique.
Les dernières séquences déforment et gâchent la fin du récit en voulant faire de Christèle
une pseudo-psychopathe !