Avec Deux moi, son 13ème long métrage, Cédric Klapisch retrouve deux comédiens qu'il connaît bien : Ana Girardot et François Civil, qui ont chacun joué dans Ce qui nous lie, son précédent film. Le cinéaste précise : "Deux moi a vraiment été écrit pour eux. Rémy, je n’étais pas sûr au départ que ce soit pour François, qui a un côté solaire et bien portant qui me faisait me poser des questions quant au côté dépressif du personnage. Et puis, à un moment, en repensant à ce qu’on avait vécu ensemble et au travail que je l’avais vu faire sur Ce qui nous lie, je me suis dit : « N’hésite pas ! ». Pour Mélanie, je n’ai jamais envisagé quelqu’un d’autre qu’Ana. La complicité qu’on peut avoir avec un acteur, pour moi c’est le moteur d’un film. C’est ce qu’il y a eu avec Romain [Duris] pendant des années. Il ne s’agit pas de la personne, mais de la relation avec la personne et quand la relation est au bon endroit, ça vaut plus que tout et c’est cela qu’on filme. On ne filme pas une personne, on filme un rapport."
Avec Deux moi, Cédric Klapisch voulait faire un portrait du Paris d’aujourd’hui par le biais d'un film simple centré sur deux célibataires à l’heure des réseaux sociaux. Le réalisateur explique : "Voir si cela change quelque chose. Est-ce que l’usage d’internet et des réseaux sociaux fabrique du lien social ? Est-ce que la solitude est toujours la même qu’à l’époque de Chacun cherche son chat ? Alors que le constat le plus apparent dans les médias est de penser que nous vivons dans une période de tensions, de dépressions, de haine et de conflits apparents. J’ai senti que justement dans ce genre de période il fallait parler du besoin d’amour."
Pour filmer Deux moi, Cédric Klapisch a collaboré avec une jeune directrice de la photographie, Elodie Tahtane. Le cinéaste avait par le passé réalisé deux publicités avec elle. Il confie : "J’adore sa façon moderne d’aborder la lumière et la couleur. Elle a aussi une façon de donner du sens à la lumière avec une approche psychologique (liée à l’état des personnages) qui convenait parfaitement à ce film. Deux moi est son premier long métrage, mais je savais qu’elle était totalement prête pour ça et elle l’a prouvé."
Raconter une histoire cohérente et fluide, tout en conservant une unité sur le ton, s'est avéré complexe. Beaucoup de scènes de Deux moi ont ainsi disparues lors de la phase de montage, comme celle où Camille Cottin fait de la danse africaine. Cédric Klapisch se souvient : "Elle a beaucoup travaillé pour faire cette scène et c’était vraiment hilarant ! Ça a été tragique de la mettre à la poubelle. Il n’y avait qu’un endroit où l’on aurait pu la placer dans le film, mais on a bien compris avec Valentin qu’on n’avait pas le droit de rire à ce moment-là… Bacri et Jaoui m’avaient parlé de ce précepte d’Alain Resnais qui leur a dit un jour : « Il y a des fois où il ne faut pas faire les malins ». Et là, c’était le cas."
Deux moi montre à quel point François Civil est un acteur des plus actifs, puisqu'il était déjà, cette année 2019, à l'affiche du Chant du Loup, Celle que Vous Croyez et Mon Inconnue.
Pour la musique, Cédric Klapisch a retrouvé ses fidèles collaborateurs, Loik Dury et Christophe Minck, avec qui il travaille depuis plus de vingt ans. "Chaque fois, je trouve ça génial ce qu’ils font. Mais là… je dirais qu’ils ont encore franchi une étape, ils ont été très très haut... Ils utilisent une nouvelle technique avec de nouvelles machines, ils appellent ça de la musique modulaire. C’est dans une logique électro, mais les outils ne sont plus électroniques mais plutôt électriques. C’est la même différence qu’il y a entre un synthé MIDI électronique et une guitare électrique. La capacité de jouer avec des matières électriques ça leur donne une nouvelle force je trouve. J’adore ce qu’ils ont fait, ça amène un « frisson nouveau » comme dirait Baudelaire…", précise le metteur en scène.
Lors de l'écriture de Deux moi, l'une des difficultés principale était de ne pas faire une sorte de Chacun cherche son chat 2.0, un film que Cédric Klapisch avait réalisé dans les années 1990. Ce dernier explique : "D’ailleurs je crois que c’est Santiago Amigorena qui a eu l’idée du chat mais justement pendant un moment je me suis dit « on ne peut pas reparler de chat sans repasser derrière Chacun cherche son chat… ». Mais finalement j’ai assumé ça, parce que d’une part c’est traité autrement que dans Chacun cherche son chat, et puis c’est vraiment une autre histoire. Quitte à assumer la référence, ou la citation, ça m’a poussé à filmer Garance Clavel et Madame Renée. J’étais à l’anniversaire de Renée pour ses cent ans et je me suis dit que c’était impossible de ne pas la filmer, que c’était important qu’elle soit dans le film. Elle est l’image d’une sorte de Paris mythique éternel."
Cédric Klapisch a cherché, via Deux moi, à parler de ce nouveau Paris moderne qui s'est créé, notamment dans les 18 et 19èmes arrondissements. Le metteur en scène se rappelle : "J’ai eu besoin d’enquêter, de me promener dans des nouveaux coins comme le bassin de la Villette, de voir que le Stalingrad que je connaissais bien n’était déjà plus le Stalingrad d’il y a cinq ou dix ans… Ou encore la Goutte d’Or qui ne s’est pas simplement « boboïsée » parce qu’y vivent encore les différentes communautés africaines, maghrébines, antillaises ou d’ailleurs et leurs nouvelles générations… Les Indiens qui sont à Porte de la Chapelle, des Asiatiques également… Et la population dite bobo - qui sont en général des gens que ça ne gêne pas de vivre avec ce mélange, des gens ouverts à la mixité sociale et ethnique… C’est un Paris positif, beaucoup plus familial et pacifique que ce que les gens pensent."