Cédric Klapisch, connais pas. Mais maintenant, je connais et j’aime. Un critique du Monde dit : il "tente de dépeindre les trentenaires d’aujourd’hui, mais reste en surface". Son film "Deux Moi", est l’exact contraire, pour moi. L’auteur ne tente pas de dépeindre : il marche, il court, il danse, il pleure, il piétine, il grimpe –tout ce que fait une personne normale dans la vie. Il ne dépeint pas les trentenaires d’aujourd’hui : il parle de tous ceux qui risquent de rater leur vie à cause de leur solitude –la maladie du siècle. Il ne reste pas en surface : il creuse, il creuse des puits, il creuse des tunnels, à mains nues, ou bien outillé (avec les psys –ces psys qui ont chacun leur méthode). C’est un film infiniment triste, et en même temps plein d’humour : pas cette tristesse et cet humour bien scénarisés, bien chronométrés, bien envoyés, qui en ferait un drame ou une comédie ; c’est un film qui nous fait aimer ses personnages parce qu’ils nous ressemblent dans nos pauvres errances, joyeuses ou déprimantes. Saurais-je me définir en un mot ? Est-ce que je fabrique des scénarios négatifs dans ma tête ? Quel est le sens à moi que j’espère d’une rencontre ? Est-ce que ma famille a le droit de m’imposer son silence à elle ? Pourquoi devrais-je oublier ce qui me peine ? Des dizaines de questions que les personnages se posent et qu’on se pose à nous-mêmes, qui ne sommes pas des philosopheurs, ni des génies, ni des rentiers, ni des voyous. Ce film n’est pas non plus une longue plainte molle ou rigolote, avec des voix off : il y a une histoire, deux histoires, bien foutues, qui avancent dans le réel, dans la rue, au travail, en courses, dans les boîtes, sur le net, deux histoires qui finiront par se recouper évidemment. Cédric Klapisch c’est une explosion de tendresse envers l’humanité. A.G.